Lichens et champignon en interactions épisode 8 : des champignons dans nos intestins (et Usnea cornuta)
Publié le 5 Janvier 2019
Nom scientifique: Usnea cornuta Körb
Date de l’observation: 26 décembre 2017 à Zetting
Classification : Division des Ascomycota, famille des Parmeliaceae
Description : une belle espèce Corticole (sur feuillus ou conifères) qui affectionne les milieux humides. Les usnées (de l'arabe ushna, « mousse, lichen ») sont des espèces de type fruticuleux. Plusieurs espèces sont appelées « barbe de Jupiter »
On ne trouve pas les champignons que dans les prés ou en forêt mais également sur et dans notre corps. C'est ce que les scientifiques nomment le mycobiote ou mycobiome ou mycomicrobiote.
Précisons tout de suite que les champignons qui se trouvent dans notre corps ne sont pas du même type que les champignons avec un sporophore que vous voyez dans la nature. Ici nous parlerons de champignons unicellulaires. Peu de risques qu'un cèpe ou des girolles poussent sur votre tête…
Cet article se veut être une introduction, une information sur ce nouveau champ de recherche qui est pour l'heure très peu cité dans la presse francophone mais qui ouvre de nouvelles perspectives de recherche en médecine.
Depuis 2010 on en sait davantage sur les communautés fongiques qui peuplent notre corps.
Chez plusieurs volontaires, ce sont entre 9 et 23 espèces différentes de champignons identifiées dans la cavité buccale. Ils appartiennent à 20 genres différents, des genres Candida, Cladosporium, Saccharomyces, etc.
D'autres études ont montré également la présence de communautés fongiques sur la peau, dans les poumons, le vagin et les intestins et suggèrent leur importance sur l'état de santé. Les levures telles que Candida spp. sont relativement courantes dans l'intestin, les poumons et la cavité buccale, tandis que les surfaces de la peau sont souvent dominées par des espèces du genre Malassezia.
36 études ont mis en évidence au moins 267 taxons fongiques distincts dans l'intestin humain.
Des travaux récents ont également souligné l'importance du mycobiote dans la santé gastro-intestinale. En 2008, des travaux menés à l'hôpital universitaire Schleswig- Holstein à Kiel, en Allemagne, ont montré que la communauté fongique fécale chez les patients atteints d'une maladie inflammatoire de l'intestin était sensiblement différente de celle des témoins sains.
D'autres études montrent des indices que le mycobiote joue un rôle dans la physiologie humaine , l'acquisition de l'énergie , la disponibilité de cofacteurs des vitamines , le métabolisme des xénobiotiques, le développement immunitaire et même le développement neurologique et le comportement.
Lorsque l'équilibre fongique est altéré, la maladie peut survenir.
Les humains ont une interaction permanente avec des communautés microbiennes complexes distribués à travers le corps, contribuant fondamentalement au développement et à la physiologie de l'organisme.
Bien qu'encore au stade précoce, des études suggèrent des interactions entre les champignons et les constituants bactériens du microbiote.
Nous sommes entrés dans l'ère du mycomicrobiote, avec de nouvelles études qui apparaissent constamment et des revues entières consacrées au microbiome humain.
La communauté fongique que nous hébergeons héberge dans notre corps semble jouer un rôle fondamental dans notre santé. Différentes espèces fongiques habitent le corps des mammifères, aux côtés de bactéries commensales diverses. Et quand une communauté microbienne est éliminée, une autre peut prendre sa place et causer la maladie. Un équilibre en fait délicat et fragile.
On peut même supposer une carte d'identité fongique spécifique à chaque individu.
La recherche actuellement se focalise sur le microbiote intestinal mais c'est omettre le rôle potentiel des champignons également dans cet équilibre. Malgré son importance, le mycobiote reste peu étudié. De nouvelles approches indépendantes de la culture, comme les méthodes de séquençage à haut débit, développées ces dernières années, permettent d’aborder maintenant la diversité fongique dans les microbiotes par le biais de leur contenu génique (ou mycobiome)
Tout ceci doit nous inviter à réfléchir. Dans l'écosystème forestier, les champignons ont un rôle fondamental et s'inscrivent dans un équilibre environnemental, tout comme à l'intérieur de notre organisme.
Champignon comestible, toxique, etc. ces considérations anthropocentrées sont futiles et vaines quand on essaye de comprendre les délicats équilibres d'un écosystème. Ce qu'on peut considérer avec vanité comme le plus insignifiant champignon a certainement aussi un rôle à jouer dans ces équilibres complexes. L'équilibre, la coopération, la diversité, un trépied fondamental dans la nature mais aussi pour notre santé.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)
Sources:
- http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/45153/title/The-Mycobiome/
- http://www.nature.com/nrmicro/journal/v14/n7/box/nrmicro.2016.59_BX2.html
- http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26354806
- http://www.em-consulte.com/en/article/961544
- http://perspectivesinmedicine.cshlp.org/content/5/5/a019810.full
Si vous avez aimé cet article retrouvez la suite ou le précédent de cette "saga" de Gilles sur Lichens et champignons en interaction sur :