Questions à un champignon partie 1 sur 2
Publié le 21 Octobre 2017
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab )
Préambule : ce document a pour vocation d'être un article pédagogique à destination du public qui n'a aucune connaissance sur les champignons. Par conséquent, beaucoup de notions ont été vulgarisées. Que les mycologues et cueilleurs chevronnés veuillent par conséquent me pardonner les simplifications faites. Je me suis lancé le défi dans cet article d'expliquer la mycologie comme si je l'expliquais à un néophyte, en des termes compréhensibles par tout le monde.
Le but de cet article est donc d'expliquer en des termes simples le règne fongique et qui sait, d'éveiller la curiosité et de nouvelles vocations.
C'est l'automne. Les arbres se parent de leurs feuilles multicolores, les hommes s'affairent dans les champs aux moissons ou dans les vergers à la récolte des fruits. D'autres hommes sillonnent les forêts avec des paniers pour récolter de surprenants organismes qui symbolisent également l'automne.
Par un tour de passe passe étrange et merveilleux, le rédacteur de cet article a pu s'entretenir en forêt avec un champignon et l'interviewer. Voilà en exclusivité, rien que pour vous, le compte rendu de cet entretien, les réponses aux questions pour un champignon.
Monsieur le Champignon, pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?
Ha que c'est une question intéressante pour commencer. Vous savez, si on demande aux gens de me définir, hé bien ce n'est pas gagné. Certains m'associent aux mycoses, d'autres me traitent de parasites, d'autres encore me voient dans une casserole et enfin certains ont peur de moi.
Mais vous savez, je ne veux rien à personne, je laisse les gens tranquilles. Me définir n'est pas facile et pendant longtemps vos semblables ne savaient pas dans quelle case me mettre. Ce sont les botanistes qui se sont d'abord intéressés à moi. Ils pensaient que j'étais une plante. Nous n'allons pas les critiquer n'est ce pas? Ils faisaient avec les moyens du bord et les connaissances de l'époque. Vous vous rendez compte, ils me prenaient pour une plante, alors que je n'ai pas un poil de vert sur moi! Certes une plante particulière mais j'éveillais quand même pas mal de questions avec ma forme surprenante et aussi, avouez que c'est magique mes apparitions subites à certaines périodes de l'année.
Ce n'est qu'à la fin du siècle dernier qu'on a commencé à y voir plus clair à mon sujet. Certains se sont aperçus que je ne suis pas une plante. Vous avez déjà observé une plante je pense. Elle est verte et c'est grâce à une molécule, la chlorophylle. Cette molécule permet à la plante de fabriquer sa nourriture, en association avec le soleil. C'est la photosynthèse.
Fabriquer ma nourriture comme les plantes, je ne sais pas faire. C'est pour ça que je ne suis pas une sorte de végétal. Comme vous les animaux, il faut je dois trouver ma nourriture dans l'environnement. Vous les hommes vous avalez votre nourriture puis la digérez à l'intérieur. Moi c'est l'inverse et c'est pour ça que je ne suis pas un animal non plus. Je digère ma nourriture à l'extérieur puis je l'absorbe, vous c'est l'inverse.
Mais je suis quand même plus proche des animaux que des végétaux. J'ai dans mes cellules la même substance qui donne sa dureté à la carapace des insectes, la chitine.
En résumé, je ne suis ni une plante, ni un animal, mais simplement un champignon.
Monsieur le Champignon, ce qui surprend de prime abord est que l'on ne vous trouve qu'à l'automne. Mais où êtes vous caché le reste de l'année ?
En réalité je suis là toute l'année, juste sous vos pieds, mais vous ne me voyez pas. Je vis sous forme de longs filaments très très petits, microscopiques, dans le sol ou dans le bois. C'est ce que vous appelez le mycélium. Sur 1 cm3 de terre, mon filament peut atteindre jusqu'à 1 km. Ces filaments sont bien pratiques pour explorer le sol dans toutes ses directions et donc trouver ma nourriture. Certains de mes semblables peuvent atteindre des kilomètres et des kilomètres.
Et prêtez bien attention, les autres saisons vous pouvez m'observer, sur du bois pourri par exemple ou sur des arbres malades.
En fait, je suis quelqu'un de discret et beaucoup de mes semblables ne se montrent qu'à certains moments de l'année.
Mais alors, pourquoi ne pouvons-nous pas vous voir toute l'année ?
Comme tout être vivant, nous les champignons nous nous reproduisons et faisons des bébés champignons. Ce que vous voyez sortir du sol est notre organe de reproduction. Il porte les graines. En fait le terme de graine n'est pas tout à fait juste. Il faut le réserver aux plantes. Chez nous nous appelons cela des spores. Elles vont germer pour donner un nouveau filament car vous le savez maintenant, nous vivons sous forme de filaments.
Vous savez, c'est pas facile pour nous de vivre dans le sol ou le bois et réussir à disperser nos spores. Nous devons absolument quitter le sol ou le bois pour pouvoir les disperser. Bon, certains d'entre nous comme les truffes ont trouvé la stratégie de rester dans le sol et de se faire croquer par les animaux qui vont emmener leurs spores ailleurs mais ce n'est pas le cas de tous. C'est pour ça que nous fabriquons cette structure que vous voyez actuellement et dénommée un carpophore. Avec plus de hauteur, hors du sol, nous pouvons mieux disperser nos spores.
Pour vous les hommes, notre structure parait plus basique. Vous n'y voyez qu'un aliment bon à mettre dans la casserole, ce que vous appelez vulgairement un champignon. Pour nous c'est notre moyen de nous disséminer. Vous nous réduisez donc à notre seule structure reproductrice, le champignon et oubliez que l'essentiel de notre organisme est sous vos pieds.
Sachez aussi que nous ne fabriquons pas cette structure, le carpophore, tout au long de l'année. De l'humidité et de la fraîcheur (pas trop froid non plus) et on s'y met. Et là soudainement vous vous intéressez à nous.
Mais alors, Monsieur le Champignon, vous avez mal si on vous enlève de terre ?
Rassurez vous. Nous vivons sous forme de filaments dans le sol. Ils s'étendent très loin comme je vous l'ai dit. Que vous m'arrachiez du sol ou vous me coupiez, ça n'a aucune importance pour moi. Ça ne m'empêchera pas de vivre. Mes filaments en théorie peuvent vivre indéfiniment, tant qu'il y a de la nourriture dans le sol à explorer, contrairement à ma face émergée dont la durée de vie est éphémère, le temps de fabriquer mes spores et les disperser. Dans la pratique, mon mycélium vit des dizaines d'années dans le sol car il y a du monde dans le sol et chacun de mes congénères défend chèrement son espace.
Vous pouvez donc me cueillir sans craintes, je reviendrais l'année prochaine, pas forcément au même endroit car mes filaments se déplacent.. Mais ce n'est pas une raison non plus pour piller la forêt. Par contre, piétiner le sol, retourner le sol, pulvériser vos produits aux noms imprononçables, ça me fait beaucoup de mal.
De quoi vous nourrissez vous, Monsieur le Champignon ?
Comme vous le savez maintenant, nous vivons sous forme de filaments et devons chercher notre nourriture. Comme nos filaments sont tout petits, ça nous permet d'explorer des endroits dans le sol que les plantes par exemple ne peuvent pas atteindre avec leurs racines. N'oubliez pas aussi que nous digérons d'abord la nourriture à l'extérieur pour l'absorber ensuite. Certains d'entre nous se nourrissent du bois, d'autres des feuilles, des branches mortes. En fait nous sommes des décomposeurs. Nous recyclons la matière des plantes ou des animaux. Elle redevient ensuite disponible dans le sol comme nourriture pour les plantes. C'est un cycle complet, rien ne se perd.
Nous avons plusieurs façons de trouver notre nourriture et c'est là aussi que nous montrons nos différences "familiales".
Il y a ceux :
- qui se nourrissent sur des être vivants : les parasites ;
- ceux qui se nourrissent sur des êtres morts, les, saprotrophes ;
- et enfin ceux qui ont eu la bonne idée de s'associer avec les arbres, les mycorhiziens.
Sachez que certains membres de notre parenté peuvent être d'abord des parasites puis des saprotrophes, etc. Les catégories ne sont pas aussi fermées et définitives.