Les animaux qui blanchissent l’hiver s’adaptent au réchauffement climatique

Publié le 26 Novembre 2019

Les animaux qui blanchissent l’hiver s’adaptent au réchauffement climatique

Paru sur Sciences et Avenir

En s’appuyant sur l’exemple du lièvre américain, des chercheurs démontrent que les espèces qui blanchissent l’hiver abandonnent ce trait génétique lorsque la durée du couvert neigeux diminue.

STRATÉGIE. Vingt espèces de mammifères et une d’oiseaux (le lagopède) blanchissent l’hiver pour se fondre dans la neige. Cette stratégie permet d’échapper aux prédateurs, avec cependant le contre-exemple du renard arctique qui, lui, améliore son efficacité de chasse. Or, avec le réchauffement climatique, l’enneigement diminue fortement dans toutes les régions boréales où ces animaux vivent.

Le Dr L. Scott Mills, professeur à l’université du Montana a déjà démontré que la mortalité du lièvre d’Amérique (Lupus americanus) augmente lorsque l’animal se retrouve tout blanc dans son habitat des sous-bois d’Amérique du Nord et du Canada dépourvu de neige. Logique, l’animal se retrouve  très voyant sur fond d’humus brun. Il devient ainsi une proie facile pour la dizaine de carnivores qui s’en nourrissent, d’autant plus que le lièvre n’a aucune conscience de sa vulnérabilité. Handicap ultime : le changement de couleur est une adaptation génétique qui n’est pas liée à l’arrivée de la neige, mais à la durée du jour. La couleur du poil change quelle que soit la météo.

Il existe des territoires où cohabitent ceux qui changent et ceux qui ne changent plus

Le réchauffement climatique est donc un réel handicap. Ces animaux peuvent-ils s’y adapter ? Oui, répond L. Scott Mills dans un article que vient de publier Science. L’équipe du chercheur avait déjà repéré des signes d’adaptation. Des belettes du sud des États-Unis ont ainsi renoncé à changer de couleur du fait de la disparition du couvert neigeux. En Irlande, des lièvres des montagnes ont également emprunté le même chemin. Cette évolution est génétique. Les animaux qui ne changent plus de pelage ont d'avantage de chance de survivre que les autres, se reproduisent donc plus et diffusent les traits gagnants. Le laboratoire de L. Scott Mills a ainsi signé des accords de coopération avec des unités de génétique pour suivre les variations commandant la couleur du pelage.

 

Dans ce nouvel article, les chercheurs décrivent des territoires où l’évolution de huit espèces est en cours. Dans ces zones, les animaux gardant le pelage d’été cohabitent avec ceux qui en changent. La sélection y est donc en cours. Le phénomène est évidemment plus visible et plus facile à étudier pour les lièvres d’Amérique, animaux sauvages mais qui peuvent vivre en captivité, facilitant ainsi les expériences. Preuve est donc faite que les espèces à pelage d’hiver pourront survivre à la réduction de l’enneigement. Mais les chercheurs préviennent : ce n’est pas une raison pour abandonner la lutte contre le changement climatique. Plus que jamais la réduction des gaz à effet de serre est nécessaire. Au moins pour continuer à voir des animaux changer de couleur l’hiver.

 

 

Le pelage blanc sert de camouflage à l’animal pendant l’hiver.Crédits : Jaco & Lindsey Barnard / L.S. Mills

Ceci est également vrai pour d’autres espèces telles que la perdrix des neiges et le renard arctique. Une vingtaine d’espèces sauvages seraient ainsi concernées. Le plus alarmant réside dans le fait que le changement de couleur du pelage n’est pas lié à l’arrivée à la neige mais à la durée du jour. Il s’agit d’une disposition génétique qui n’est aucunement en lien avec la météo.

L’équipe de Scott Mills a donc mis en évidence la cause principale : le réchauffement climatique. En revanche, des signes d’adaptation ont déjà été repérés en ce qui concerne des belettes vivant dans le sud des États-Unis et donc le Lièvre d’Amérique, idéal pour les expériences car pouvant également vivre en captivité. Les individus ne changeant pas leur couleur et gardant leur pelage d’été ont donc davantage de chances de survie. À terme, les espèces à pelage d’hiver devraient vraisemblablement survivre à la diminution de la présence de neige en hiver grâce à une adaptation génétique qui prendra logiquement un certain temps.

Complément d'enquête par la Revue espèce!!

Dans la région Nord-Ouest Pacifique, certains lièvres restent bruns toute l'année. ils vivent dans des environnements côtiers peu enneigés où un camouflage de la même couleur que la végétation est avantageux en hiver.

Le blanchiment du pelage chez le lièvre d’Amérique (Lepus america) est lié à l’activité d’un gène dénommé « agouti »  Son expression s’accroit en automne suite à la diminution de la photopériode. Il bloque la pigmentation des poils. Chez les autres lièvres, le  Lièvre de Californie (Lepus californicus)  celui aux grandes oreilles, par exemple, une autre version de ce gène fait qu’il n’a jamais de  changement de couleur de poils.
Le lièvre d’Amérique du Nord Ouest a donc sans doute été hybridé à un moment donné avec le lièvre de Californie !.
Ceci renforce l’idée récente selon laquelle l’hybridation naturelle entre espèces joue parfois un rôle primordiale dans les adaptations écologiques es animaux (et des humains voir notre affaire de famille avec Neandertal).


 

Rédigé par ANAB

Publié dans #Apprendre de la nature, #Changement climatique

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