La Galle du Chêne des vallées (de Californie)
Publié le 31 Octobre 2018
Pour une fois nous sommes allés voir ailleurs pour le quiz de la semaine dernière mais la photo a été prise par un alsacien bon teint, Bernard.
Si vous regardez la première photo de cet article, elle aurait pu elle aussi, faire un bon quiz. C’est malheureusement une photo d’un article internet. Si je prenais des photos internet, ce serait trop facile. Les quiz n’auraient aucune marque ni « parfum » d’origine Alsace et cela avouez-le, ce n’est pas drôle.
Sur cette photo, ce ne sont pas des pommes jaunes ou en train de pourrir mais des galles aussi grandes que les feuilles ! Son nom anglais est tout à fait justifié, "oak apple", "pomme du chêne".
Ces feuilles comme vous pouvez facilement le constater sont celles d’un chêne tout à fait caractéristiques avec leurs bords ondulés. C’est le Chêne des vallées, Quercus lobata, « valley oak » en anglais, un chêne endémique de certaines vallées profondes de Californie. Il peut atteindre 30 mètres et jusqu’à 47 mètres de haut et plus de 8.8 m de circonférence Certains ont l’âge respectable de 600ans. Cet arbre a des propriétés mécaniques nettement moins intéressantes que nos chênes européens et ne peut être utilisé que pour des usages restreints comme la fabrication de barriques.
Les feuilles mesurent de 5 à 10 cm, ce qui est une taille plus petite de celles de nos chênes.
Il est vrai et c’est bien connu, aux Etats-Unis tout est plus gros, plus big. Les américains font tout plus gros que les autres…
Leurs voitures sont deux fois plus grosses que les nôtres, leurs maisons, leurs hamburgers, leurs sodas. Ceci a des répercussions négatives sur le climat de la planète et sur leur santé mais c’est un autre sujet. C’est pareil pour les galles.
Bernard a eu l’idée de faire une photo de cette galle monstrueuse et en a recherché l’origine.
Il a, en fin limier, reconstitué l’histoire de cette galle dont je vous relate quelques chapitres.
1/ Lieu d’origine et nature de cette galle :
Elle provient de Santa Rosa en Californie , Etats-Unis.
Cette galle est la dernière chose que aimeriez manger. Elle est très chargée en tanins, vous savez, ces composants qui donnent l’amertume au thé et au vin qui a séjourné dans des fûts en chêne.
Sa teneur est telle qu’elle permet de teindre la laine en brun.
Les galles existent sur de nombreux arbres et les chênes de Californie en particulier.
Si vous avez la curiosité de cliquer ce lien vous verrez une étonnante diversité des galles de 1 à 14 cm.
Ce sont des spécialistes, les cécidologues qui s’intéressent et étudient de près les galles.
2/ Comment est produite cette galle
La plupart d’entre vous,-même non diplômés en cécidologie savent que ce sont des insectes qui induisent l’apparition de la majorité des galles. D’autres êtres vivants provoquent des galles souvent moins spectaculaires, des pucerons, des mouches, des bactéries et d’autres...
Les insectes les plus spécialisés dans la production de galles sont des insectes de l’ordre des hyménoptères, de la super famille des cynipidés (Cynipoidea ) ou guêpes gallicoles voisins de l’abeille domestique. Les cynipidés ont fait des galles, leur "fond de commerce", hyper- spécialisé, avec un cycle original. Les espèces les plus courantes à l’origine des galles sont pour les cinipidés les genres biorhiza, andricus, neuroterus, cynips, diplolepis …
Vous pouvez vous faire une idée de leur biologie en consultant les articles sous l'excellent site insectes. Net.
Une de leurs particularités est de se reproduire sans mâles, fait rare chez les insectes!
Pour cette galle du chêne des vallées, l'insecte concerné est d'Andriscus quercus california ou quercuscalifornicus selon les sources, petite guêpe de quelques mm.
Le nombre de mâles est de quelques % et ils n’interviennent pas toujours dans le cycle de reproduction. Les générations sexuées alternent avce les générations asexuées et souvent ne produisent pas les mêmes galles ou pas de galle du tout ou font les squatters dans les galles. Des femelles dites « parthénogénétiques » ou « agames », peuvent pondre des œufs non fécondés. Ils donnent naissance à des larves viables et sexuées C’est une vraie parthénogénèse.
Le lien entre la galle et l’insecte est en général très spécifique et les mécanismes de construction des galles analogues dans leur principe. L’insecte pond un œuf en perçant un organe végétal souvent près des vaisseaux conducteurs de sève, bourgeons, rameaux.
La larve issue de cet œuf secrète une substance chimique ou une hormone de croissance végétale qui induit une croissante particulière ou anarchique des cellules végétales au contact. Les cellules par exemple, au lieu de s’allonger de manière uniforme dans toutes les dimensions, ne s’allongent plus que d’un côté et produisent des fils ou des grosses cellules.
C’est le cas d’une galle commune en métropole, le bédégar provoquée par le Cynips du rosier (Diplolepis rosae). Cette petite guêpe ne pond ses œufs que sur les rosiers et les églantiers.
3/Développement des insectes dans la galle
La galle sert à la fois de réfrigérateur garni, de table et de maison sécurisée à ces insectes. La petite larve ressemble à un minuscule asticot. Elle peut être unique ou pas selon les espèces. Elle trouve des substances dans la sève de la plante pour se nourrir et se développer jusqu’au stade de nymphe.
La galle est au départ molle et verte. Elle peut à ce moment être infestée facilement par d’autres bestioles.
Au fur et à mesure les parois de la galle vont se dessécher et se lignifier, c'est-à-dire se transformer en bois plus ou moins épais.
Les galles deviennent en général des écosystèmes complets. Le parasite se fait parasiter par une autre espèce d’insecte et ce dernier par un champignon ou un autre insecte. Cet hyperparasite pond des œufs sur la larve de la petite guêpe et va s’en servir comme nourriture au départ puis profiter de la sève du végétal. Certains oiseaux arrivent à percer la galle et se nourrir des larves qu’elles contiennent. Cette galle sert aussi de nourriture à une vingtaine d’insectes.
Ce cycle est sans fin. Le « coffre fort-galle » n’est pas aussi hermétique que cela. La nature produit une telle biodiversité que les systèmes écologiques sont toujours en équilibre instable. Le prédateur se trouve à un moment ou à un autre lui aussi prédaté. C’est le cycle de la vie.
Texte, Roland Gissinger (Anab), bibliographie Bernard Weinzaepflen
Bibliographie :
https://www.insectes-net.fr/galles/galle2.htm
https://www.kqed.org/science/23927/what-gall-the-crazy-cribs-of-parasitic-wasps
https://nothinginbiology.org/2014/07/24/random-natural-history-valley-oaks-and-their-galls/
https://en.wikipedia.org/wiki/Andricus_quercuscalifornicus
https://en.wikipedia.org/wiki/Quercus_lobata
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cynipidae
http://joycegross.com/galls_ca_oak.php
https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/la-parthenogenese-ou-comment-faire-des-petits-sans-male_8873