Dissolution des Soulèvements de la terre : l’État se trompe de combat

Publié le 23 Juin 2023

Après la dissolution des Soulèvements de la Terre (ici à Sainte-Soline le 25 mars dernier), leurs avocats ont annoncé qu'ils déposeront un recours devant le Conseil d’État

Après la dissolution des Soulèvements de la Terre (ici à Sainte-Soline le 25 mars dernier), leurs avocats ont annoncé qu'ils déposeront un recours devant le Conseil d’État

Paru sur FNE  le 21/6/2023

e mercredi, le mouvement des Soulèvements de la terre a été dissous en Conseil des ministres, sur proposition du Ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Alors que la société est traversée par l’impérieuse nécessité de l’action pour la protection des équilibres écologiques, le gouvernement décide de condamner celles et ceux qui luttent pour la défense du vivant. Les motifs de dissolution des Soulèvements de la Terre est une défaite collective et un terrible aveu de faiblesse de la part de l’État, sur la forme comme sur le fond.

Tout d’abord, d’un point de vue juridique, la dissolution des Soulèvements de la terre interroge en effet. Viscéralement attaché.es au droit, nous rappelons que libertés de manifestation et d’expression, à travers des marches festives et des lieux de débat notamment sont protégées par la Constitution. Les multiples arrestations de ces derniers jours de militants écologistes par la sous-direction anti-terroriste confirme une volonté de la part du gouvernement de criminaliser toute forme d’opposition. Ce déploiement de force relève d’effets d’annonce qui seront questionnés devant la justice quant à leur légalité.

France Nature Environnement et les Soulèvements de la terre ne travaillent pas de la même façon. Les associations du mouvement France Nature Environnement  luttent contre des décisions publiques illégales et contre les dégradations environnementales. Elles sont parfois rejointes par les Soulèvements de la terre

Empêcher ces actions en les résumant à des actions violentes de destruction et en les réprimant avec des moyens de lutte anti-terroristes constitue une caricature inadmissible de nos actions et ne règle en rien les questions de fond posées.

France Nature Environnement dénonce aussi le “deux poids deux mesures” en matière d’environnement. Qu’en est-il des agressions que subissent nos bénévoles et nos organisations, qui revendiquent des actions non-violentes ? Pourquoi leurs agresseurs ne sont pas arrêtés et condamnés ? Pourquoi laisse-t-on par exemple des dizaines de représentants de l’agriculture productiviste proférer des menaces de mort, dégrader nos maisons de la nature, user de la violence au quotidien sans jamais être inquiétés ? Pourquoi les forces de l’ordre n’interviennent pas quand on leur demande de protéger nos équipes ?

L’État, au lieu de s’acharner sur les militantes et militants écologistes, devrait plutôt entendre et comprendre les manifestations qui se multiplient, et qui sont autant d’appels à renouer avec la responsabilité publique   de proposer les solutions collectives et sociales face à la destruction de nos écosystèmes et se diriger  enfin vers un modèle de sobriété.

Pour Antoine Gatet, président de France Nature Environnement, « Face à cette multiplication des obstacles à l’engagement écologique, nous continuerons à mener le vrai combat : celui de la protection de l’environnement, via notre travail de terrain mais aussi nos procédures contentieuses contre celles et ceux qui portent véritablement la responsabilité des violations du droit de l’environnement. »

paru sur Reporterre le 22/6/2023

Le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre décrit un groupe « violent », adepte du « sabotage ». Des présomptions que le ministère de l’Intérieur doit encore prouver devant le Conseil d’État.

« Sabotages », « violences », « dégradations ». Les mots sont martelés sur les quatre pages du décret de dissolution des Soulèvements de la Terre. Entériné en Conseil des ministres mercredi 21 juin, le document juridique souhaite acter la disparition du collectif écologiste. Mais les avocats des Soulèvements ont déjà annoncé déposer un recours devant le Conseil d’État contre cette procédure. Qu’est-ce que cela implique ?

Pour dissoudre Les Soulèvements de la Terre, le gouvernement s’appuie sur l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure, qui permet d’abroger les associations ou groupement de fait qui « provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ». L’article suppose que soient réunies deux conditions. D’abord prouver que Les Soulèvements soient un « groupement de fait », puis qu’ils aient contribué à des actes de violence.

Pour démontrer le « groupement de fait », le décret dresse le portrait d’un collectif formé autour « d’un noyau dur de militants tous issus de l’ex-zad de Notre-Dame-des-Landes et désireux d’exporter leur expérience et les stratégies violentes ». Il décrit un groupe qui s’identifie au travers « de sa dénomination et de son logo figurant sur toutes ses publications », qui « s’exprime par la voix de deux de ses dirigeants » et soutient des luttes « sélectionné[e]s par un comité centralisé » qui les fait bénéficier de « son appui logistique, humain, financier et organisationnel ».

Avocat au barreau de Paris, Me Gossement présage que le Conseil d’État suivra le gouvernement dans sa définition du « groupement de fait » : « Il y a une ligne éditoriale, un propos, des personnes qui se présentent comme porte-parole… La loi a été faite sur mesure pour ce type de situation où l’on fait face à des réseaux plutôt qu’à des structures. »

Reste à prouver que Les Soulèvements de la Terre sont à l’origine de « violences ». Le décret reproche aux Soulèvements d’avoir organisé une vingtaine d’actions caractérisées par « des destructions matérielles et des agressions physiques contre les forces de l’ordre ». Il assure que « sous couvert de défendre la préservation de l’environnement […] ce groupement incite à la commission de sabotages ».

« Il faut prouver que le groupement a soutenu, relayé et amplifié ces actes de violence »

De leur première action en 2021 à Besançon à la dernière contre la ligne Lyon-Turin, l’acte juridique liste les policiers et gendarmes blessés et les coûts des dégradations commises. Il accuse les vidéos et slogans diffusés par Les Soulèvements de jouer « un rôle majeur dans la conception, la diffusion et la légitimation de modes opératoires violents ».

Une démonstration qui nécessite de s’appuyer sur des preuves étayées pour convaincre le Conseil d’État. « La liberté d’association est un principe constitutionnel qui ne souffre que d’exception, dit Me Gossement. Il faut prouver que le groupement a soutenu et amplifié ces actes de violence. Ça promet une audience longue, sur pièces, avec un débat dense. »

Difficile d’établir un pronostic sur le regard des juges du Palais-Royal. En vigueur depuis 2021, l’article L212-1 n’a donné lieu qu’à deux décisions du Conseil d’État : l’une suspendant la dissolution du Groupement antifasciste de Lyon (Gale), la seconde confirmant celle de l’association du Bloc lorrain. Pour Me Gossement, la jurisprudence la plus intéressante concerne cette dernière association « libertaire, antifasciste et très opposée à l’État, décrit-il. Le Conseil d’État a considéré sa dissolution justifiée, parce que ses membres ont soutenu, relayé et quelque part organisé des violences contre les forces de l’ordre en diffusant des messages anti-flic. Dans le cas des Soulèvements, j’ai l’impression que c’est plus léger. Mais les preuves seront apportées lors de l’audience ».

En cas de reconstitution de ligue dissoute, ils risquent jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

Lire aussi : Soulèvements de la Terre : une dissolution lourde de conséquences

Dans le décret, les membres des Soulèvements sont également accusés de se fonder « sur les idées véhiculées par les théoriciens prônant l’action directe et justifiant les actions extrêmes allant jusqu’à la confrontation avec les forces de l’ordre ». Il s’agit du livre d’Andreas Malm, Comment saboter un pipeline, cité en note dans le document.

Dans un communiqué de presse, les éditions La Fabrique, éditrices de l’ouvrage, se disent surprises d’apprendre que cet ouvrage, traduit en huit langues, était utilisé comme élément à charge dans cette affaire. Elles rappellent que si le livre « présentait le moindre problème au regard des lois (et non des obsessions de Gérald Darmanin), il aurait été poursuivi. Ça n’a pas été le cas ». Elles dénoncent une « attaque détournée contre les libertés d’expression, de la presse et de l’édition et contre les lois qui les régissent ».

Le mode avion des téléphones reproché aux militants

De nombreux spécialistes du droit ont critiqué d’autres éléments issus du décret qui semblent plus d’ordre politique que juridique. Les autorités reprochent ainsi aux Soulèvements de porter des tenues interdisant leur identification par les forces de police, ce qui serait « en contradiction avec les habitudes des militants écologistes de manifester à visage découvert ». Ils dénoncent le fait que les activistes des Soulèvements ne se laisseraient pas surveiller « en mettant en “mode avion” leur téléphone mobile en arrivant sur les lieux de la manifestation ». Ils se scandalisent que les personnes interpellées ne veuillent pas communiquer les codes de déverrouillage de leur appareil ou que les manifestants usent du port de masques FFP3, de lunettes de protection pour se protéger des gaz.

Pour le SAF, le Syndicat des avocats de France, cela en dit long sur la conception du ministre de l’Intérieur des droits de la défense : « Ce décret de dissolution est un non-sens juridique qui porte des atteintes graves aux principes mêmes de la défense, avec des motifs absurdes. »

Si la décision du Conseil d’État leur est défavorable, Les Soulèvements n’en resteront pas là. « Nous irons, s’il le faut, jusqu’à la Cour européenne », promet l’activiste Léna Lazare, l’une des figures du mouvement. Dans un communiqué, les concernés s’avouent « bien curieuxses de voir ce que représenterait la “dissolution” d’une coalition qui regroupe des dizaines de collectifs locaux, fermes, sections syndicales et ONGs à travers le pays ».

Rédigé par ANAB

Publié dans #Actu-conf-films-expo

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V
Les français du monde rural en ont ras la casquette de ces casseurs d'extrême gauche habillés en verts. <br /> Il était urgent de dissoudre ce mouvement qui n'est pas pro nature, mais anti tout et et destructeur et violent. <br /> <br /> Voir comment ils ont saccagé des bassines dont les agriculteurs bio ont autant besoin que les autres, voir comment ils ont saccagé des serres maraichères à Nantes, voir comment ils s'opposent à des barrages pour l'eau, voir comment ils s'opposent maintenant à un tunnel ferroviaire. <br /> <br /> C'est une extrême gauche façon Pol Pot qui rêve de tous nous renvoyer à la campagne vivre une vie misérable d'esclaves sous leur autorité. Mais eux, les chefs de l'extrême gauche, comme sous Pol Pot ne manqueront de rien.<br /> <br /> J'ai longtemps été assez favorable à l'écologie, c'est désormais un mouvement qui me donne envie de vomir et je suis prêt à m'engager de toutes mes forces pour le combattre. A voir les gens autour de moi et ma famille, on commence à être nombreux à penser la même chose. Le fascisme rouge-vert ne passera pas.<br /> Contre les soulèvements de la terre, il faut se battre, et chapeau à ceux qui se sont opposés à eux à Lyon.
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R
Je rejette toute forme de violence.<br /> Le problème vient de quelques casseurs à condamner mais aussi de la violence institutionnelle de l’Etat. Ce gouvernement ne sait pas dialoguer. Nous avons été infantilisés durant le Covid alors qu’en Allemagne l’Etat encourageait les citoyens à sortir et faire de l’exercice sans être groupés.<br /> <br /> A chaque manifestation, la violence contre les manifestants pacifiques augmente. L’usage d’armes de guerre sans discernement y est pour beaucoup.<br /> Les agriculteurs détruisent le mobilier urbain, les grilles des préfectures et blessent les forces de l’ordre sans être inquiétés ni que le syndicat FNSEA ne soit dissous<br /> Deux poids, deux mesures.<br /> <br /> Le problème des écologistes est qu’ils ont raison trop tôt. Quand il n’y aura plus de nature et plus de ressources, les politiques nous diront c’est la faute à pas de chance. Nous avons bien entendu le Président dire dans un aveu surréaliste, voici quelques mois à la veille du Jour de l’An, « Qui aurait pu prévoir ? ».<br /> <br /> Roland
S
Seuls 25% des Français ont voté contre ce gouvernement , voilà qui lui donne la légitimité. Et si vous voulez combattre ce gouvernement par la violence ne soyez pas étonnés qu' il devienne violent aussi!<br /> D' un autre coté on aimerait comprendre, par le passé on a réalisé de grands lacs pour éviter que Paris ne soit inonder, ( MADINE, Forêt d' Orient) et aujourd'hui on entre en guerre pour quelques bassines de rien du tout! En tout cas rien ne justifie la violence , cherchons d' autres moyens pour nous faire entendre!
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R
Désolé Sylvain ta présentation qui est celle du gouvernement n'est pas la réalité. Pour le vote présidentiel seuls 20%( 9.8 sur 48.8 millions) des électeurs inscrits ont voté Macron. Au deuxième tour pour éviter la peste, certains comme moi ont voté Macron.<br /> Cela veut dire que 80% des électeurs n'ont pas choisi le programme de Macron.<br /> <br /> C'est une escroquerie morale d'entendre Macron et le gouvernement dire que les français ont choisi son programme à la majorité de 75%.<br /> <br /> Les suisses votent plusieurs fois par an pour les grandes décisions;<br /> <br /> En matière de démocratie nationale et régionale nous sommes des arriérés.<br /> <br /> La dérive autoritaire et violente du gouvernement qui n'écoute ni les salariés pour les retraites , ni les soignants pour les hôpitaux en mort cérébrale, ni les enseignants pour l'école qui n'apprend plus à lire et à calculer, ni.les écologistes qui alertent sur les dangers du changement climatique (...... n'arrange rien. Au contraire.
J
Nous sommes en pleine dérive autoritaire avec un gouvernement complètement méprisant de la population comme on l’a vu avec la réforme des retraites et le rejet sous couverture, qui ne trompe personne, d’articles constitutionnels qui se devraient d’être l’exception. Et après le mépris, toujours avec le mépris et en poursuivant avec ce dernier, nous en sommes à une grave dérive fasciste poursuivant son action anti-démocratique avec cette dissolution du groupe des soulèvements de la terre. Lorsque l’on se prétend représentants, de tous groupes, de la population et que depuis plus de 40 ans on écoute pas les données scientifiques sur le réchauffement et pire, que l’on fait tout pour le nier ou bien pour un semblant d’action minimaliste, on se devrait avant toute chose d’entreprendre une autocritique. Ce serait le minimum de mon point de vue mais le mieux lorsque l’on ne s’attache qu’à défendre les intérêts financiers et de son groupe de pouvoir, serait de passer la main. Là serait l’action la plus utile pour la planète en laissant les décisions à des personnes capables de se concerter pour des actes réfléchis et tenant compte des autres, de tous les autres.
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J
Il faut se tourner vers des personnes ayant une conscience, des scientifiques, des professionnels du, des métiers, des gens instruits et raisonnables , difficile de les amener vers une forme de pouvoir car en général ils fuient les politiciens et leur obéissance aux détenteurs de l’argent ainsi que leur fâcheuse, très fâcheuse tendance aux magouilles. D’ailleurs pour entrer à haut niveau en politique il faut d’abord mettre sur la table quelques tas de billets . Bref, le mieux ne serait il pas de remplacer les politiques et leurs dérives par l’intelligence artificielle à la condition bien sur qu’on ne la programme pas avec cette foutue langue de bois qui nous envoie dans le mur. <br /> Nous ne mettons pas au pouvoir les plus intelligents mais malheureusement ceux qui arrivent à nous convaincre de leurs promesses en nous expliquant ensuite qu’il suffisait de ne pas les croire… l’absurdité dans sa plus grande dimension.
S
Ça ne répond pas à ma question !!! Vers qui se tourner ???
J
Lorsque les politiques cassent l’école, la recherche, la santé, la retraite et j’en passe, ce sont eux les violents et qui plus est, inscrits dans une forme de criminalité en particulier en ce qui concerne l’accès aux soins, la pollution, les pesticides et autres molécules dangereuses que l’on laisse libres et que l’on soutient. Concernant le réchauffement, ils sont tout aussi coupables et condamnés pour inaction climatique. Alors, où sont les violents?
S
Vous soulevez la bonne question : laisser la main , mais la laisser à qui , aux violents qui ont été dissous ???