La Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

Publié le 21 Juin 2023

 Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

Voici une campanule insolite et spectaculaire. Nous l’avons vue dans les Alpes avec l’Anab la semaine dernière. Une belle découverte parmi de nombreuses autres.

Roland


Nom scientifique : Campanula thyrsoides L., 1753

Origine du nom : vient du latin « campana », petite cloche, et du latin   « thyrsus », qui dans la mythologie était un bâton de fenouil recouvert de vignes et de feuilles de lierre, attribut du dieu Bacchus.

Allemand/ dialecte: Straussblütige Glockenblume

Nom anglais : Campanula thyrsoides

Date et lieu  de l’observation : le 13 juin dans l’Oberland suisse (région de la Jungfrau)

Famille de plantes :  cette campanule fait partie de la famille des campanulacées qui comprend 2000  espèces réparties en 90 genres, plantes présentes  surtout sur les sols secs et les rochers. Les 5 pétales, éléments de couleur, sont pour la grande majorité des campanulacées soudés en une sorte de petite cloche dentée plus ou moins aplatie. L‘ovaire possède 3 carpelles et se prolonge en pistil avec 3 stigmates.
Ce sont des plantes de couleur bleue rarement jaune comme cette campanule.


Catégorie : plante bisannuelle. Ce n’est pas la règle absolue. De récentes études ont montré que pour fleurir la plante pouvait mettre 5 à 10 ans.

Port : plante hérissée de poils blancs à petites fleurs jaune-pâle en cloche.

Hauteur : 10 à 50 cm de haut.

Tige: anguleuse, épaisse, creuse.

Feuillage : les feuilles sont velues, nombreuses à la base, entières et lancéolées. Elles mesurent 2 à 4 cm de large pour 10 à 20 cm de long..
Les feuilles inférieures sont pétiolées et en forme de cœur et celles du haut sont sessiles de forme -ovale à lancéolée
.


 

 Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)
 Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

 Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)- Photo Martine Devondel (Anab)

Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)- Photo Martine Devondel (Anab)

En fruits, après floraison, la  Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)
En fruits, après floraison, la  Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

En fruits, après floraison, la Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

Floraison : juin à juillet  

Fleurs : de couleur jaune pâle avec des nuances de vert.  Elles ont 1.5 à 2.5 cm de long et sont situées  à l’aisselle des feuilles puis des bractées. Les 150 à 200 fleurs de cette Campanule thyrsoïdes forment un gros épis ininterrompu. Elles sont  juxtaposées sur des hélices virtuelles autour de la tige.
Le pistil se termine par 3 stigmates dépassant  les pétales..


Pollinisation :
Les insectes se couvrent de pollen  sur les jeunes fleurs et vont polliniser d’autres campanules dont les stigmates plus mûrs se sont déjà écartés les uns des autres. A défaut, les campanules sont capables d’autogamie -autofécondation- phénomène assez rare chez les plantes.
En altitude les insectes sont plutôt attirés vers les fleurs de couleur bleue ou violette plus faciles à repérer. Cette campanule est donc une particularité.


Coévolution pollinisateurs-fleurs
Des recherches récentes (Milet-Pinheiro) ont essayé de déterminer comment les insectes et les fleurs ont coévolué.
Le principe était jusqu’à présent que c’était le pollinisateur le plus efficace qui influençait cette évolution. Il semblerait que c’est plutôt l’ensemble des pollinisateurs qui influence l’évolution d’une plante donnée.
Les bourdons sont les pollinisateurs les plus actifs de cette fleur alors qu’ils sont connus pour avoir une préférence pour les fleurs de couleur violette ou bleue. Il semblerait qu’une fraction des bourdons se soient adaptés aux fleurs de couleur jaune et verte très présentes à l’altitude de 1600 à 2000m.

L’abeille domestique, Apis mellifera, généraliste,  possède 160 récepteurs olfactifs alors qu’une abeille sauvage de type Andrena plus spécialisée dans la récolte de pollen  n’en possède que 130. Le critère olfactif est sans doute le critère déterminant dans le choix des fleurs par ces insectes.
Les substances aromatiques émises par les campanules sont très diversifiées, 150 détectées à ce jour dont 102 identifiées. Le cocktail émis par chaque espèce de campanule est unique. Il a été possible de trouver  les voisinages héréditaires des campanules grâce à  ces substances. Un des groupes génétiques, le clade « Campanula », parmi les campanules comprend les 6 espèces Campanula thyrsoides, , C. medium, C ; rapunculoides, C punctata, C. trachelium et  C. latifolia.
4  arômes de type monoterpène, l’ eucalyptol, le nérol, le géraniol, and le linalool ne sont émises que par les 3 premières fleurs de ce clade et l’eucalyptol seulement par 2, la Campanule du jour, C. thyrsoides et C.medium. Leur proximité génétique est donc très grande.
Ceci est un bon exemple pour voir comment les plantes évoluent, se différencient entre espèces et comment les chercheurs arrivent à retracer l’histoire des plantes. Les plantes cherchent à se différencier et à attirer à elles  des pollinisateurs au détriment d’autres plantes.
Rappelons aussi que certains composants aromatiques ne sont pas des attractifs d’insectes mais au contraire, des répulsifs d’insectes herbivores. Ils ont été sélectionnés par la plante au cours de milliers ou millions d’années pour se défendre.

Ces conditions existent chez la plupart des plantes à fleurs. En constatant ces fines différences entre fleurs, il est facile de comprendre que toute perte de biodiversité en insectes pollinisateurs est cruciale. Elle peut entrainer par cascade, la raréfaction d’une plante ou d’un groupe et à terme sa disparition.

La génétique rend compte aussi des phénomènes climatiques, comme les glaciations. Une plante ou population  isolée par une barrière physique va s'éloigner progressivement  du patrimoine génétique commun ou disparaitre. L’étude génétique de cette campanule faite par Kuss le démontre clairement..

Phase mâle:
Pour favoriser la fécondation croisée des individus et éviter l’autofécondation voici le stratagème développé.
Dans le bourgeon floral, l’organe femelle immature  constitué par une tige (le style)  va traverser le groupe des étamines et leurs sacs chargés de pollen.  Les poils raides du style vont au passage se couvrir de pollen. Ce phénomène est appelé « présentation du pollen par piston »
Un nectaire est situé à la base de la fleur. La configuration de la fleur oblige les insectes pollinisateurs amateurs de nectar à d’bord se frotter à ce style et à se charger en pollen.  


Phase femelle :
Les stigmates  vont se déployer quand les étamines auront presque fini de disperser leur pollen. Le style se divise alors en 3 stigmates.  Sur ces stigmates apparaissent de microscopiques papilles visqueuses sur lesquelles  vont se coller les grains de pollen.
A ce stade de maturité, les étamines sont flétries.

Dans le cas de fleurs groupées, les insectes visitent toujours les fleurs du bas, les plus anciennes (au stade femelle) puis celles du haut.
Le  nectaire comme déjà vu, situé à la  base de la fleur oblige cette fois-ci les insectes pollinisateurs amateurs de nectar à décharger leurs grains de  pollen sur les stigmates soit en arrivant soit en repartant. Les insectes vont de cette manière accomplir une pollinisation croisée  au cours des différentes visites de plants de cette campanule.



Fruits: ce  sont des capsules velues.  120 à 180 graines s’échappent par des fentes du dessous à maturité. Le nombre de graines peut atteindre 180 000 par plant. Elles sont dispersées par le vent car petites et velues.

Habitat : endroits ensoleillés ou demi-ombre des prairies sur sols calcaires, des schistes carbonatés, dans le Jura, les Alpes et les Balkans jusqu’à 2600 m mais le plus souvent entre 1600 et 2200m.

Confusion possible : non. Il existe une sous-espèce, Campanula thyrsoides subsp. carniolica qui atteint 120 centimètres, présente en Italie, Autriche et Croatie


Statut de protection : plante localisée dans les massifs  montagneux de l’Est de notre pays.
Elle est protégée dans la plupart des pays européens. Chez nous elle est protégée par la loi en Franche-Comté où elle est classée Plante classée EN en danger. Elle est classée VU, vulnérable en région PACA,  et Znieff dans ces deux régions et les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-France-Comté.

Les ZNIEFF , Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique ont  pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation.

Usage horticole :
Plante décorative utilisée dans les jardins et dont il existe de nombreuses formes dérivées ou cultivars (RHS).


Usag
es alimentaire et médicinal  : Plante rare qu’ il faut s‘abstenir de consommer pour un usage ou un autre..
 


 


Texte,  bibliographie  Roland Gissinger (Anab)
Photos  Martine Devondel  et Roland



Sources bibliographiques voir index biodiversité


The biological flora of Central Europe: Campanula thyrsoides -2007


Differential Evolutionary History in Visual and Olfactory Floral Cues of the Bee-Pollinated Genus Campanula (Campanulaceae)- Milet-Pinheiro 2021

Spatial genetic structure of Campanula thyrsoides across the European Alps: Indications for glaciation-driven allopatric subspeciation
Kuss  2011


RHS Campanula thyrsoides

Répartion selon INPN et Kew gardens de la  Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)
Répartion selon INPN et Kew gardens de la  Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

Répartion selon INPN et Kew gardens de la Campanule en faux thyrse, Campanule en thyrse (Campanula thyrsoides)

Rédigé par ANAB

Publié dans #Fleurs jaunes, #Biodiversité hors région

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T
Quelle magnifique fleur! Belle et intelligente. Les photos sont superbes.<br /> La photo prise par Martine donne même une impression de mouvement, et l'on s'imagine être sur place!
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A
%erci Toll,<br /> <br /> normal que tu y vois du mouvement.<br /> <br /> Les fleurs par leur beauté nous "transportent" ailleurs.<br /> Roland
B
Belle fleur, belles photos et article détaillé.
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A
Merci Bernard