Les puits de carbone, l’angle mort de l’environnement dénoncé par Le Haut Conseil pour le Climat

Publié le 10 Juillet 2023

paru sur Huffpost le 29/6/2023

Les espaces naturels, comme les forêts ou les océans, permettent d’absorber une grande quantité de CO2… À condition qu’ils soient préservés. Le Haut Conseil pour le Climat pointe du doigt leur destruction en France.

Au début du mois de juin, le gouvernement se félicitait d’avoir respecté son budget carbone pour l’année 2022. C’était sans compter le nouveau rapport du Haut Conseil pour le Climat (HCC), instance indépendante, publié ce mercredi 28 juin.

« La France n’a respecté son budget carbone seulement si l’on regarde ses émissions brutes, qui ne prennent pas en compte les puits de carbone, » rectifient les experts. « Lorsque la faible absorption des puits de carbone est prise en compte, on s’aperçoit que la France n’a pas respecté pas ses objectifs », estiment-ils.

L’instance pointe du doigt la destruction des puits de carbone français, qui ont diminué de 21 % en l’espace d’un an. Le HCC alerte le gouvernement sur l’urgence de préserver ses réservoirs, voire même de les restaurer s’il veut respecter ses objectifs climatiques. Mais concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Aspirer le CO2 grâce aux végétaux

Les sols, l’océan ou encore les plantes sont des puits de carbone. Ils captent le CO2 présent dans l’atmosphère et le stockent. Par exemple, grâce à la photosynthèse, les arbres des forêts absorbent le dioxyde de carbone, et le stockent dans leur tronc, leurs branches et leurs racines. Ce sont en quelque sort des aspirateurs de CO2 : ils s’en servent pour grandir.

Or le CO2 est le principal gaz à effet de serre responsable du changement climatique. Le capturer est donc un enjeu majeur pour la France, qui doit accélérer ses efforts pour limiter le réchauffement. C’est pour cela que le gouvernement se donne pour objectif de doubler les puits de carbone français pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Pour y arriver il faut passer de 14 millions de tonnes absorbées par an actuellement à 80 millions de tonnes absorbées d’ici 2050. Problème : le Haut Conseil pour le Climat observe qu’au lieu d’augmenter, la capacité d’absorption de CO2 des espaces naturels à tendance à décroître.

Des forêts en mauvaise santé

En France, les forêts sont les premiers puits de carbone. Elles ont absorbé 30 millions de tonnes de CO2 eq en 2020, l’équivalent d’environ 7,5 % des émissions du pays. Un chiffre impressionnant, mais c’est en réalité deux fois moins qu’il y a dix ans.

Certaines forêts émettent désormais plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. Photo d’illustration, un gendarme examine le sol pour enquêter sur les incendies de forêt, dans le sud de la France, le 25 mai 2023.
MEHDI FEDOUACH / AFP
Certaines forêts émettent désormais plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. Photo d’illustration, un gendarme examine le sol pour enquêter sur les incendies de forêt, dans le sud de la France, le 25 mai 2023.

Pourtant les forêts ont tendance à s’étendre sur le territoire. Alors comment expliquer qu’elles aspirent moins de CO2 qu’auparavant ? C’est un problème de santé des écosystèmes. « Il y a deux phénomènes en même temps : les arbres poussent moins vite et leur mortalité augmente » indique Laurent Augusto, directeur de recherche à l’INRAE. En cause, les effets du changement climatique : sécheresses, canicules, mégafeux, maladies et insectes ravageurs.

« Il y a urgence à prendre soin de nos forêts, les protéger mais aussi les régénérer avec des essences plus résistantes à la chaleur » estime Jean-François Soussana, membre du Haut Conseil pour le Climat. « Nous sommes véritablement dans une course entre les impacts du changement climatique sur la forêt et les moyens que l’on peut déployer sur les dix années à venir, car après il sera trop tard ».

Selon le rapport du HCC, les puits de carbone sont en forte baisse dans les régions Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes. Les forêts de la Corse, des Hauts-de-France et du Grand Est sont en si mauvaise santé qu’elles émettent du carbone au lieu d’en capter.

Un effort à faire dans le secteur agricole

Au-delà des forêts, « la baisse constatée des puits de carbone implique des efforts supplémentaires pour le secteur agricole » indique le rapport du HCC. Si les secteurs de l’élevage et de l’agriculture ont réussi à réduire leurs émissions ces dernières années, la perte des puits de carbone vient masquer cet effort.

Pour être efficace, la baisse des émissions doit s’accompagner d’une hausse des puits de carbone. Le fait de laisser de la place aux prairies, de prolonger les haies ou de réduire la déforestation pourrait de capter une plus grande quantité de CO2. « Les choix du gouvernement sur le secteur de l’agriculture auront des conséquences importantes sur nos émissions de GES » met en garde Corinne Le Quéré, présidente du HCC.

Le niveau de deux degrés de réchauffement est pratiquement inévitable en France d’ici 2030 selon l’instance. Pour limiter ses effets et assurer un avenir durable, elle recommande d’inverser la tendance des puits de carbone de toute urgence. La réponse du gouvernement est attendue au plus tard dans les 6 mois à venir

Rédigé par ANAB

Publié dans #Changement climatique

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B
Pas vraiment optimiste !
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A
Ce sujet n'est pas rose. Ce qui est intéressant c'est cet avis tranché d'alerte. Cet organe indépendant a été mis en place par l'Etat en 2018! <br /> Alors si le gouvernement ne suit pas cet avis c'est une forfaiture.<br /> Roland