Le Syrphe à tête noire (Melanostoma scalare)
Publié le 1 Novembre 2023
Roland
Nom scientifique : Melanostoma scalare (Fabricius, 1794)
Nom allemand : Matte Schwarzkopfschwebfliege
Nom anglais : chequered hoverfly, slender grass hoverfly
Origine du nom : provient du grec« melanos », «noir» et de «stoma» , « la bouche », donc, la bouche noire, un de ses traits particuliers par rapport à d’autres syrphes. Son nom d’espèce « scalare » signifie « échelle », pour rappeler la disposition régulière des anneaux du thorax bien visibles chez le mâle.
Observation : le 5 mai à Saint-Jean-de-Saverne (67)
Classification : ce Syrphe à tête noire, appartient à la famille des syrphes ou de l’Ordre des Diptères ( du grec di, deux et pteron, ailes ). C’est un diptère du sous ordre des brachycères, mouches à antennes courtes à 3 articles. Ce groupe comprend des insectes au nom vernaculaire de mouches, syrphes, taons, moustiques., une soixantaine de familles dont les Syrphidés.
Il existe 500 espèces de syrphes différentes en France. Plus de 6000 ont déjà été décrites au niveau mondial par les entomologistes spécialistes de ces mouches. Leur particularité est d’avoir des couleurs vives et d’imiter celles d’insectes piqueurs comme les guêpes et les abeilles. Ils peuvent même imiter leurs vibrations spécifiques. Par ce camouflage-copie que l’on désigne du nom compliqué d’« aposématique », ils se mettent à l’abri des attaques de nombreux prédateurs.
L’un des caractères distinctifs des syrphidés par rapport aux autres mouches est une nervation alaire unique avec une nervure vestigiale, la Spuria Vena notée SV, à retrouver dans le schéma de l'aile ci-dessous.
Haarto (4) a trouvé des différences dans ce genre peu connu des Melanostoma, sa science est réservée aux hyper-spécialistes de syrphes…
Durée de vie : avril à novembre mais surtout présent en mai.
Ce syrphe produit 2 à 3 générations annuelles. Il hiberne à l’état de larve.
Description : mouche de petite taille.
Ses yeux grands par rapport à la taille de son corps. Ils sont nettement séparés chez la femelle et jointifs chez le mâle comme chez la plupart des syrphidés. Sa tête est triangulaire mais sa bande faciale grise (peu visible sur les photos). Les antennes sont poilues et courtes et prolongées par un long cil dénommé arista.
Le thorax est sombre et peu velu. L’abdomen est légèrement arrondi et barré de 4 taches jaunes d’allure triangulaire chez la femelle. Elles ne sont que 3 chez le mâle et plutôt rectangulaires ou arrondies dont l’abdomen est étroit et rectangulaire. Le pronotum, partie avant est de couleur bronze et le petite écusson ou scutellum à l’arrière du pronotum est noir.
Ses ailes sont transparentes sans microtrichies dans la cellule BM, une zone de référence sur l’aile (4).
Les fémurs et tibias postérieurs ne sont ni dilatés ni velus.
Nourriture des larves : à l’état de larve, ce Syrphe à tête noire se nourrit de pucerons et de larves de petits diptères trouvés dans la litière au sol.
Les larves des syrphes en général vivent dans les milieux humides riches en matières organiques en décomposition. Cette propriété pourrait bien en faire un insecte de lutte antiparasitaire.
Ce syrphe d’après Frank Dziock (3) est capable de prédater une dizaine de pucerons différents.
C’est mieux qu’un syrphe spécialiste comme Platycheirus fulviventris qui se limite à 3 espèces. C’est moins bien que son cousin Melanostoma mellinum capable de prédater 32 espèces. Dziock a étudié les systèmes de défense des pucerons, chacun pouvant combiner plusieurs systèmes :
- protection par les fourmis
- sécrétion de cire
- abri dans une galle
- sécrétion de substances chimiques toxiques
- fuite par une mobilité accrue
Notre Syrphe à tête noire est nettement un spécialiste de pucerons qui se cachent à l’abri des fourmis (8 espèces sur 12 chassées) suivis par ceux qui sécrètent une cire de défense (3 espèces).
Nourriture des adultes : l’insecte adulte ailé, se nourrit du pollen et du nectar des fleurs très diverses. C’est un faible auxiliaire de pollinisation. Il se nourrit en particulier sur des Apiacées (famille de la carotte, du céleri…), Astéracées (celle de la marguerite…), Brassicacées (celle du chou...), Rosacées (prunelier) renoncules et d’autres.
Biologie et activité : Le temps de développement des œufs jusqu’au stade adulte varie avec la température du milieu : il va de 20 à 40 jours environ. La femelle pond de nombreux œufs sur les herbes même en l’absence de pucerons. Ceci confirme que les larves sont des prédatrices plutôt généralistes qu’aphidiphages, spécialistes de pucerons. Des recherches (2) toutes récentes sur l’ADN du Syrphe à tête noire ont été publiées ce mois-ci. Elles permettront de mieux comprendre la biologie de cette espèce mal connue et les liens généalogiques avec les autres espèces.
Particularité : ce syrphe est capable de faire du vol stationnaire comme un hélicoptère et des acrobaties. Cette capacité explique son nom anglais de « fly drone », mouche drone. C’est facile à observer quand il recherche sa nourriture sur les fleurs. En vol normal, il vole les ailes allongées le long du corps. Le nombre de battements d'ailes est d'environ 120 par seconde.
Reproduction : l’accouplement a lieu en vol
Habitat : les adultes fréquentent de préférence les endroits boisés : haies, forêts, parcs, jardins mais aussi les terrains ouverts : endroits incultes, les placettes riches en fleurs. Ce syrphe est présent dans toute l’Europe jusqu’en Afrique tropicale et Proche-Orient.
Confusion fréquente. De loin il est aisé de le confondre ce syrphe avec une mouche ou une abeille. Les caractères distinctifs, antennes avec arista, pilosité, forme des yeux devraient permettre son identification.
Texte et photos: Roland Gissinger (ANAB)-
Détermination sur les photos: Martine Devondel (Anab)
1/Host preferences of aphidophagous hoverflies from field distribution of their larvae Sadeghi - 2014
2/ The genome sequence of the slender grass hoverfly, Melanostoma scalare Hawkes- oct 2023
3/Evolution of prey specialization in aphidophagous syrphids of the genera Melanostoma and Platycheirus (Diptera: Syrphidae) 1. Body size, development and prey traits Dziock - 2005
4/ Taxonomy of North European Melanostoma93 When mtDNA COI is misleading: congruent signal of ITS2 molecular marker and morphology for North European Melanostoma –Haarto 2014