La Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)

Publié le 19 Novembre 2023

La Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)
La Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)
La Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)
La Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)

La Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)

Répartition selon INPN de la Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)

Répartition selon INPN de la Tétragnathe étirée (Tetragnatha extensa)

Les araignées sont très diversifiées et présentes dans tous les milieux sauf sur la neige et les glaciers. Vous trouverez cette araignée spectaculaire à la biologie fascinante au bord des ruisseaux.
Martine et Roland

Nom scientifique: Tetragnatha extensa (Linnaeus, 1758)

Origine du nom scientifique: du grec «tetra» : quatre et de « gnathos» : mâchoire et  « extensa » signifiant en latin : étendue, étirée, en raison de ses pattes démesurées.

Nom allemand : Gemeine Streckerspinne

Nom anglais :  Common Stretch Spider

Observation : le 14 mai à Tarquimpol (57)

Classification :  les Tétragnathes appartiennent  à la classe des Arachnida, à l’ordre des Aranea
e.
Cet ordre des araignées comprend près de 50 000 espèces dans le monde. Elles sont toutes (sauf une) des invertébrés prédateurs à 8 pattes avec 6 à huit yeux. Contrairement aux insectes, elles n’ont ni ailes, ni antennes ni pièces masticatrices. Elles tissent à un moment de leur vie une toile avec des organes spécifiques appelés filières.
Les araignées sont assez homogènes au niveau de leur aspect. Leur mode de vie est en revanche très diversifié et fascinant à l’exemple de ces araignées errantes qui chassent à l’affût ou en se déplaçant. Certaines n’ont pas de toile fixe. L’araignée gladiateur tisse une  toile entre des branchages puis s’en saisit  et la projette sur sa proie telle un gladiateur romain. Ce sont des araignées de type rétiaire, voir notre article à leur sujet.
Les aranéologues ont constaté une adaptation très rapide des araignées à leur milieu quand elles se trouvent sur des îles isolées. C’est le cas de l’archipel d’Hawaï où existent 28 espèces de Tétragnathes. Certaines ont été classées « chasseuses sur feuilles vertes », d’autres « sur feuilles brunes » et d’autres « sur écorce des arbres » avec une stratégie de prédation différente.

Un conseil, ne dites jamais à un aranéologue que les araignées sont des insectes, il risque de faire une attaque cardiaque.
Ceci dit, pour nous simplifier la vie et ne pas rallonger la liste des rubriques, nous avons rangé sur ce blog, cette araignée et les autres avec les "insectes".  Chers aranéologues veuillez nous en excuser.

Notre Téragnathe appartient à la famille des Tetragnathidae. Le genre Tetragnatha compte à lui seul 320 espèces dont une quinzaine en France métropolitaine.
Certaines ne tissant plus de toile capturent leurs proies à la course. D’autres en  tissent une. Dans cas, elles sont inclinées, ont un petit nombre de rayons ( environs  une quinzaine ) et une spirale lâche ; le  centre ( ou moyeu ) est ouvert, il n’y a pas de fil avertisseur et pas de retraite.
Elles affectionnent les plantes basses en  terrains humides.


Dimensions: 10 à 12 mm pour le corps de la femelle et 6 à 9 mm  pour le mâle donc bien plus petit. C’est la plus grande Tétragnathe d’Europe.

Période d’observation : mai à septembre

Description : Les araignées ont une morphologie très différente des insectes, certaines particularités font appel à un vocabulaire spécifique :
leur corps est composé  de  deux parties :
une partie avant, le prosoma (ou céphalothorax) avec six paires d’appendices articulés et une partie arrière, l’opistosoma portant les organes caractéristiques à l’ordre : les filières. Ces deux parties sont reliées par un étroit pédoncule, par lequel passent le vaisseau cardiaque, le tube digestif et le système nerveux.
Sur la partie céphalique du prosoma se situent les yeux (la majorité des espèces en possèdent huit. Leur forme et leur disposition sont des critères importants d’identification. On trouve ensuite les chélicères qui sont d’une certaine manière les mains de l’araignée car, outre leur rôle d’armes mortelles pour les proies, elles sont utilisées pour différentes tâches précises (transporter le cocon ou les proies, outils de sécurité pour le mâle durant l’accouplemen.) Viennent ensuite les pattes-mâchoires (ou pédipalpes) servant à dilacérer les proies mais aussi à filtrer les matières liquéfiées à proximité de la bouche. Disposées radialement sur la carapace dorsale du prosoma, viennent enfin les quatre paires de pattes.
L’opistosoma (ou abdomen) peut montrer quant à lui une grande diversité de formes, de motifs et de tailles. A son extrémité se situent les filières qui caractérisent l’ordre des araignées et constituent d’importants critères de détermination. Elles sont reliées aux glandes à soies ( six à quatre ) qui produisent différents types de  soie utilisés pour la construction du cocon, comme fil de sécurité, glu pour la spirale adhésive …

Le genre Tetragnathe a un abdomen très allongé présentant une extrémité arrondie, des pattes très longues et fines ; leur position au repos est typique : pattes I et II jointes et dirigées vers l’avant, pattes III plus courtes enserrant le support, pattes IV dirigées vers l’arrière , les chélicères sont longues et divergentes .De par leur grande variabilité, des examens à la loupe binoculaire sont nécessaires pour l’identification jusqu’à l’espèce avec certitude. Tetragnatha extensa se caractérise par un prosoma brun-jaune avec une partie céphalique parfois légèrement plus sombre, un abdomen avec une paire de larges bandes de couleur variable, allant du jaune pâle au brun rougeâtre.


Biologie et  toile

Au repos, ces araignées s'étirent lorsqu'elles sont menacées et placent deux paires de pattes en avant et la dernière paire en arrière, de sorte qu'elles sont très bien camouflées en brindille sur les tiges, les feuilles et presque qu’invisibles aux prédateurs.

Il est possible d’identifier les familles d’araignées d’après leurs toiles. Les Tétragnathes n’ont pas une toile en tube mais une toile étalée de type géométrique, circulaire et avec un plan de symétrie. Cette toile plane est dite de type orbiculaire. Elle comprend un cadre de soutien, plusieurs rayons sans petite spirale au centre ou moyeu comme d’autres araignées. C’est l’endroit où va se positionner l’araignée en attente de proies. Cette ouverture lui permet de passer rapidement d’un côté à l’autre de la toile. Autre particularité : la toile est dépourvue de stabilimentum, cette décoration en zig zag qui apparait sur certaines toiles d’araignées et qui jouerait un rôle de stabilisateur.
L’araignée tisse une toile en une vingtaine de minutes. Cette toile est renouvelée très souvent, tous les jours quelquefois.
En bonne écologiste soucieuse des ressources, l’araignée recycle les matériaux de l’ancienne toile en les avalant puis par digestion.

Une araignée comme chacun le sait est alertée par la vibration d’une proie sur sa toile. Celle-ci est prise grâce à des fils collants.
Selon la taille de la proie, l’araignée se précipite pour la mordre et l’immobiliser. Si la proie est plus grande, elle la touche avec ses palpes et l’emballe de fil en quelques secondes, puis la mord et ramène « le paquet » à sa position d‘attente.

La Tétragnathe étirée tisse une toile presque horizontale en haut des herbes dans les milieux humides et même au-dessus de l’eau. La distance entre deux points de fixation peut atteindre 2 mètres. Cette toile est trouée au centre contrairement à celles d’autres araignées.

Reproduction: au mois de juin principalement.
Les araignées subissent 5 à 10 mues  et ne sont matures sexuellement qu’à la dernière mue.
Les araignées mâles repèrent les toiles de leurs partenaires grâce à des phéromones, des messages chimiques biens spécifiques laissés sur les fils. Pour éviter d’être dévorés comme des proies, les mâles ont des techniques d’approche pour se signaler à leur partenaire. Certaines espèces fixent un fil et le font  vibrer, d’autres tambourinent sur les fils selon un code bien spécifique bien sûr. Chez les Aranéidés, le mâle fixe un fil de soie sur la toile de la femelle. Il le fait vibrer à une fréquence déterminée. Si la femelle est réceptive, elle viendra à la rencontre du mâle.
Le mâle confectionne une toile-sac dans laquelle il dépose des gouttes de sperme.

Après la dernière mue, le mâle présente au niveau des palpes une structure complexe, les bulbes copulatoires. La structure de ces organes est utilisée pour une identification sûre et précise de l’espèce.
Ces organes sont à ce point complexes qu’ils fonctionnent sur le principe de la clé et de la serrure, les hybridations sont ainsi très rares. Avant de partir à la recherche d’une femelle, le mâle doit charger ses bulbes copulatoires de sperme. Il va alors construire une petite toile de qq mm carrés et y déposer une goutte de sperme via son orifice génital, à la base de l’abdomen. Le mâle se place alors sous cette toile et, notamment grâce à la capillarité, remplit ses bulbes copulatoires. L’accouplement en tant que tel se produit quand le mâle insère son bulbe copulatoire  dans l’ouverture génitale de la femelle qui présente un organe sclérifié
complexe, l’épigyne.
Les mâles de Tétragnathes ne font pas de cour mais sautent sur la femelle quand elles sont au centre de la toile , intriquant leurs longues chélicères avec celles de la femelle.

Il va donc pour s’accoupler imbriquer ses chélicères, ses appendices mobiles qui possèdent un crochet venimeux dans ceux de la femelle De nombreuses études (4) ont été menées sur la forme des chélicères. Les recherches pour comprendre comment et pourquoi leurs formes sont si diversifiées n’ont pas encore donné de certitudes : est-ce un avantage pour les combats entre mâles, pour l’immobilisation des femelles, pour un succès de la copulation ?

Ponte : la ponte a lieu quelques jours ou semaines plus tard. Celle-ci est très rapide, la mère épuise toutes ses réserves pour réaliser la ponte et la confection d’une toile, un cocon pour protéger les œufs (entre 60 et 150 œufs par cocon). Le cocon de couleur variable, mais souvent d’aspect moisi, est fixé sur une feuille. L’éclosion se fait sous la surveillance maternelle. La dispersion des jeunes a lieu au hasard selon la richesse du milieu. Cette araignée vit de 6 à 8 mois et meurt après la ponte.

Nourriture des adultes : arthropodes et insectes de toute taille.

Habitat : elle affectionne les terrains ensoleillés et humides, près de l’eau où les populations peuvent être importantes. Elle est présente dans tous les régions tempérées jusqu’en Océanie.

Prédateurs: mantes, lézards, chauve- souris, oiseaux, mammifères, amphibiens.


Confusion : pour les photos de cet article. La confusion est, possible avec Tetragnatha  pinicola, T. striata et T. montana, les différences se situent au niveau du sternum ( face ventrale du prosoma )  par la  présence ou l’ absence de bande claire caractéristique. C’est peu visible  sur la photo ventrale.
Comme dit plus avant, de part leur grande variabilité, un examen à la loupe binoculaire est requis pour différencier avec certitude les espèces de Tetragnathes.



Protection:
L’espèce est présente de manière fréquente et ne bénéficie d’aucune  protection légale.


Texte,  bibliographie, Martine Devondel  et Roland Gissinger (Anab)
photos Roland 


Articles de référence et bibliographie :


1/ Clé de détermination  des principales araignées de Belgique S. Renson Cercle des Naturalistes  de Belgique (si lien ne marche pas allez  sur la "boutique" du CNB)

2/ Photos de détail  de Tetragnatha extensa
3/ . Hawaiian Tetragnatha Spiders  Gillespsie 2001
4/ Dead or alive? Sexual conflict and lethal copulatory interactions in long-jawed Tetragnatha spiders Yuki Baba 2018

5/ Guide des Araignées et des Opilions d’Europe , D.Jones , Delachaux et Niestlé
6/ le Petit Guide des Araignées à toiles géométriques, la Hulotte n°73

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B
Merci à vous deux de ces précisions. 😊
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B
Merci pour ce texte très complet et les belles photos. Une remarque cependant, si la femelle meurt après la ponte, comment l'éclosion peut-elle se faire sous la surveillance maternelle ?
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M
Il y a relativement peu d'araignées qui abandonnent leur ponte, quoique dans plusieures familles les femelles meurent avant que leur progéniture ne sorte du cocon protecteur mais dans ce cas,la femelle a toujours gardé son cocon jusqu'à sa mort.Le grand danger est l'attaque des oeufs par des guêpes parasites ou autres.C'est la raison de la présence vigilante de la mère. Aussi quelques araignées font des cocons qui sont camouflés par nature à cause de leur couleur ou de leur ressemblance avec du matériel végétal.Tetragnatha construit un cocon qui ressemble remarquablement à une moisissure qu'elle attache aux feuilles de roseaux.
A
Merci Bernard de ton commentaire. Pour ta question qui sonne avec un peu de malice , difficile de te répondre.<br /> Je suppose que les œufs disparaissent plus vite mangés par les prédateurs à l'affût de toute "nourriture" sans surveillance mais c'est dit sans avoir fait d'observation réelle.<br /> Roland<br />
T
Merci à vous, Martine et Roland, pour cet article très instructif, et les magnifiques photos. “Les araignées ne sont pas des insectes”, voilà qui surprendra plus d’un/e ce matin. Depuis le quiz de jeudi, j’ai regardé des centaines de photos d’araignées, ne m’étant jamais rendu compte que ces créatures pouvaient être si belles. L’article de la toile (en annexe) est fascinant.
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A
Merci Toll de tes commentaires. Nous sommes contents que tu sois allé(e) voir plus loin et constater que ce monde des araignées est incroyable et les araignées très belles.<br /> Le summum est atteint avec les araignées paon dont nous avons déjà présenté une vidéo trouvée sur internet.<br /> Peux-tu préciser l'article dont tu parles?<br /> A bientôt<br /> Martine et Roland<br />