Le couvert arboré modifie la démographie des plantes du sous-bois en contexte de réchauffement

Publié le 22 Décembre 2023

paru sur inee cnrs  le 30/8/2023

On le sait, plus la canopée forestière est dense et fermée en été et plus les extrêmes de températures sont atténués sous le couvert des arbres. Grace à une expérience de translocation végétale à l’échelle de l’Europe, une équipe de recherche internationale a montré que l’évolution du degré d’ouverture de la canopée aura un effet décisif sur la subsistance ou le déclin des populations de 12 espèces végétales communes de nos sous-bois, comme l’anémone des bois ou la grande ortie, en réponse au réchauffement climatique futur. Les résultats de cette étude viennent de paraître dans la revue Nature Climate Change. Les scientifiques notent que pour un même scénario de réchauffement, une ouverture ou une fermeture de 50% du couvert arboré aura des conséquences très contrastées sur la survie de ces espèces et concluent qu’une gestion en couvert continu des forêts peut permettre la survie des populations d’espèces les plus emblématiques de nos forêts.

En résumé
  • 8064 plants de 12 espèces communes des sous-bois ont été transplantés et suivies dans 5 forêts en Europe impliquant 25997 mesures de paramètres vitaux.
  • Ces données ont alimenté des modèles pour prédire la distribution par espèce suivant différents scénarios de réchauffement et d’ouverture du couvert.
  • Une réduction de 50 % du couvert arboré induit une diminution de 75 % du taux de croissance des populations d’anémones des bois d’ici à 2070 (RCP 8.5).




Avec le réchauffement climatique, l’effet tampon de la canopée forestière généré par la transpiration des arbres en été n’a jamais été aussi important pour l’atténuation des extrêmes climatiques chauds, lors des épisodes de canicules notamment. Cependant, la fréquence plus élevée des phénomènes climatiques extrêmes (sécheresses, tempêtes, incendies, etc.) liés au réchauffement global affectent aussi le degré de fermeture du couvert forestier et par conséquent le bouclier thermique des habitats forestiers. Si de nombreux modèles prédictifs intègrent l’impact des scénarios climatiques futurs sur la biodiversité, aucun modèle prédictif en revanche ne tient compte d’un scénario d’ouverture ou de fermeture du couvert sur la dynamique de survie des espèces de nos sous-bois. Une équipe de recherche internationale a réalisé une expérimentation de translocation de 12 espèces végétales communes des sous-bois européens dans cinq forêts en Europe (Belgique, France, Italie, Suède du sud et Suède centrale), soumettant pas moins de 8064 individus transplantés à des conditions de températures (témoin vs. +1.5°C) et de couvert (canopée dense vs. ouverte) contrastées. Les chercheuses et chercheurs ont ainsi réalisé 25997 mesures de paramètres vitaux (taux de survie, croissance, floraison, nombre de graines, etc.) pour suivre l’évolution de la survie de ces populations suivant les conditions de températures et de fermeture du couvert imposées par l’expérimentation. Ces données ont ensuite alimenté des modèles démographiques pour prédire la distribution de ces 12 espèces à 25 m de résolution spatiale au sein des forêts européennes suivant différents scénarios de réchauffement (RCP 8.5) et d’évolution du degré de fermeture de la canopée (-50% vs. +50%). Cette spatialisation à fine échelle a été rendue possible grâce aux avancées les plus récentes sur la cartographie à fine résolution spatiale (25 m) des températures ressenties sous le couvert forestier.

Les résultats de leurs travaux, publiés dans la revue Nature Climate Change, montrent que pour l’anémone des bois, une espèce spécialiste des habitats forestiers, une réduction de 50% de la densité de couvert de la canopée induit une diminution de près de 75% du taux de croissance des populations d’anémones d’ici à 2070, suivant le scénario climatique le plus extrême (RCP 8.5). A l’inverse, une augmentation de 50% de la fermeture du couvert permet de compenser jusqu’à 92% des impacts négatifs de ce scénario climatique extrême sur les paramètres démographiques de l’anémone permettant ainsi de maintenir le taux de croissance des populations à l’équilibre malgré le réchauffement global. Pour la grande ortie, une espèce plus généraliste, c’est le contraire : une réduction de 50% du couvert induit une augmentation de près de 50% du taux de croissance des populations d’orties d’ici à 2070, suivant le scénario climatique le plus extrême (RCP 8.5).

En conséquence, cette étude suggère que s’il est plus difficile d’intervenir directement sur l’évolution des températures qui règnent à l’extérieur des habitats forestiers, il est possible d’intervenir sur le degré d’ouverture ou de fermeture du couvert pour compenser les effets néfastes des changements climatiques sur la survie des populations d’espèces spécialistes et emblématiques des habitats forestiers, comme l’anémone des bois. Ainsi, par une gestion en couvert continu, le forestier peu maintenir un effet tampon suffisant en forêt pour favoriser la survie de certaines populations d’espèces spécialistes de ces habitats et ce malgré un réchauffement global des températures.

L’anémone des bois (Anemone nemorosa), un exemple d’espèce emblématique des sous-bois des forêts tempérées en Europe

L’anémone des bois (Anemone nemorosa), un exemple d’espèce emblématique des sous-bois des forêts tempérées en Europe

Exemple d'un mésocosme installé dans une parcelle forestière du sud d'Amiens (Picardie, France), suivant le dispositif expérimental du projet FORMICA qui teste l'effet du degré de fermeture du couvert forestier et du réchauffement climatique sur la survie et la croissance des populations de 12 espèces végétales communes des sous-bois européens, comme l'ail des ours bien visible sur la photo.

Exemple d'un mésocosme installé dans une parcelle forestière du sud d'Amiens (Picardie, France), suivant le dispositif expérimental du projet FORMICA qui teste l'effet du degré de fermeture du couvert forestier et du réchauffement climatique sur la survie et la croissance des populations de 12 espèces végétales communes des sous-bois européens, comme l'ail des ours bien visible sur la photo.

Référence

Pieter Sanczuk et al. Microclimate and forest density drive plant population dynamics under climate change. Nature Climate Change, le 24 juillet 2023. 

Laboratoire CNRS impliqué

Ecologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN, Université Picardie Jules Verne/CNRS)

Rédigé par ANAB

Publié dans #Changement climatique

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T
Je me souviens, avec bonheur, de ces immenses tapis d'Anémones des bois quand j'étais jeune.<br /> <br /> A part cela, restons à l'ombre; la Vitamine D se prendra par comprimés!
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A
Merci Toll.<br /> <br /> Ici il reste toujours dans nos forêts d'Alsace Bossue ces immenses tapis d'anémones.<br /> Roland
B
Pour vivre heureux, vivons cachés !
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A
😄
J
Autrement dit et si j’ai bien compris, vivons à l’ombre !
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A
De toute façon nous chercherons l'ombre de plus en plus Jpl!<br /> Roland