Lichens, champignons en interaction épisode 5 : repenser le végétal (et Pseudevernia furfuracea )

Publié le 8 Décembre 2018

Pseudevernia furfuracea  Photo Gilles Weiskircher
Pseudevernia furfuracea  Photo Gilles Weiskircher

Pseudevernia furfuracea Photo Gilles Weiskircher

Nom scientifique : Pseudevernia furfuracea (L.) Zopf

 

Date de l’observation: 6 février 2018 à Zetting


Classification : Division des Ascomycota, famille des Parmeliaceae

 

Biotope : sur écorce de feuillus ou de conifères ; parfois sur roches siliceuses. Espèce très largement distribuée et très commune

 

Pseudevernia furfuracea, communément appelée mousse de l’arbre, est une espèce de champignon lichénisée qui pousse sur l’écorce des sapins et des pins. Le lichen est plutôt sensible à la pollution atmosphérique, sa présence indiquant généralement de bonnes conditions atmosphériques dans le lieu de croissance.

Monotrope sucepin  (Monotropa hypopytis ) Photo Gilles Weiskircher

Monotrope sucepin (Monotropa hypopytis ) Photo Gilles Weiskircher

Après avoir parlé des mycorhizes, envisageons maintenant d’autres interactions entre plantes et champignons et pour le moins surprenantes.

 

La mycohétérotrophie

 

L'idée que les plantes vertes sont exclusivement photosynthétiques souffre de notables exceptions : certaines, notamment des orchidées, préfèrent se régaler du carbone que leur offrent des champignons. Quelques-unes sont si indépendantes de la lumière qu'elles sont sans chlorophylle : elles sont albinos ! Mais comment font ces plantes pour se nourrir ?

 

La mycohétérotrophie est une relation symbiotique qui s'établit entre certains types de plantes, des champignons et des arbres voisins, dans laquelle la plante obtient tout ou partie de ses nutriments en établissant un réseau mycorhizien avec le champignon plutôt que par la photosynthèse. Dans cette relation, le mycohétérotrophe est la plante qui établit la symbiose avec son partenaire. Le mycohétérotrophe dépourvu de chlorophylle ne peut exercer la photosynthèse (capacité photosynthétique nulle ou réduite). Au lieu d’acquérir le carbone via la photosynthèse, ces plantes hétérotrophes vont le puiser dans leur milieu grâce au complexe ectomycorhizien formé par l'association entre des champignons et des arbres voisins.

En date d'aujourd'hui, il existe plus de 400 espèces connues de mycohétérotrophe chez les orchidacées, les éricacées, les gentianacées, ce phénomène étant apparu plus de cinquante fois au cours de la diversification des plantes terrestres

 

Une plante, le monotrope par exemple est l'une des premières plantes où les mycorhizes ont été observées. Il inverse la relation habituelle avec le champignon. En effet, dans les mycorhizes des plantes vertes, le champignon reçoit des sucres de la plante, tandis qu’ici c’est dans l’autre sens, c’est la plante, le monotrope qui reçoit les sucres.

 

 

Les endophytes

 

Nombre de plantes abritent une flore fongique constituée de champignons non pathogènes dits "endophytes". Les champignons endophytes sont des organismes mycéliens dont le cycle de vie s’effectue au sein des parties aériennes d’une plante hôte formant ainsi des associations non pathogènes et généralement intercellulaires.

Bien qu'ils soient invisibles et peu connus, leur fonction écologique est importante puisqu’ils participeraient activement à une meilleure adaptation des plantes à leur environnement. Ils sont d'ailleurs qualifiés de mutualistes. Ils exercent un pouvoir protecteur pour les plantes. C’est un mutualisme à bénéfice réciproque, le champignon produit des molécules bénéfiques à la plante. Ce sont des propriétés antibiotiques contre les agents phytopathogènes, insecticides ou anti-appétantes contre les insectes, ou neurotoxiques contre les herbivores, ou encore hormonales pour stimuler la croissance de la plante.

Près d'un tiers des espèces de graminées hébergent dans leurs tissus des champignons endophytes. Certains de ces champignons sont de véritables usines chimiques qui produisent plusieurs alcaloïdes. Certains alcaloïdes sont des principes actifs importants du monde médical comme la morphine par exemple.

L’étude de la flore fongique endophytique de cinq plantes médicinales soudanaises a permis d'isoler un total de 23 souches de champignons endophytes.

Une large gamme de molécules complexes produites par des endophytes a été découverte et est en cours d'exploration, souvent avec des vertus antibiotiques, parfois antiparasitaires voire anticancéreuses dans quelques cas quand elles  sont utilisées chez les animaux, dont les humains.

On parle beaucoup des plantes médicinales mais  je voulais d'une part présenter un aspect différent des plantes médicinales mais aussi rendre un hommage à ces êtres invisibles qui œuvrent en silence dans les plantes, les champignons endophytes. C'est un champ de recherche inédit et novateur qui s'ouvre pour la médecine. Et si certains principes actifs des plantes étaient produits par les champignons qu'ils hébergent ? Dans ce cas la phytothérapie deviendrait de la mycothérapie. La question est ouverte.

Lors de vos prochaines balades en forêt ou dans les champs et quand vous croiserez des champignons, pensez à leurs cousins microscopiques qui renferment peut-être les médicaments de demain.

Plantes médicinales ou champignons médicinaux, qu'importe. Une fois de plus, la vie nous montre qu'elle est aussi coopération, mutualisme. Ces valeurs sont également bonnes pour la santé.

 

Se réapproprier le sol

 

Dès leur colonisation de l’environnement terrestre, les plantes ont été en interaction avec les microorganismes. Cette longue évolution parfois commune a conduit au développement de nombreux types d’alliance. L’ensemble de ces interactions contribue à la nutrition et la santé des plantes et conditionne leur développement. Cette biodiversité joue donc un rôle essentiel et nous montre que les végétaux sont aussi des organismes en interactions, et sans nécessairement faire de la photosynthèse. Toutes ces interactions font voler en éclat la notion d’organisme isolé et c’est peut être une nouvelle définition du végétal qu’il faut envisager.

Depuis trente ans les pratiques agricoles mettent en danger cette vie du sol, entraînant une plus grande dépendance des plantes aux produits phytopharmaceutiques et aux engrais. L’anthropisation galopante de notre environnement et l’érosion des sols réduisent fortement cette biodiversité du sol.

De nombreuses recherches seront encore nécessaires pour caractériser ces interactions avec à la clé certainement des méthodes de culture plus respectueuses de l’environnement.



 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)



 

Source:

https://www.pourlascience.fr/sd/botanique/les-plantes-qui-mangent-les-champignons-6996.php

https://www.afl-lichenologie.fr/Photos_AFL/Photos_AFL_P/Pseudevernia_furfuracea.htm

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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