Enquête mycologique, épisode 24, Cortinarius hinnuleus (Cortinaire à couleur de faon )

Publié le 18 Septembre 2021

 

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.

 

C’est par une belle journée estivale que notre enquêteur effectue sa promenade régulière à la découverte des forêts de notre région.

 

Scène du crime

 

Nous sommes le 25 août 2021, dans la forêt du Lehwald à Sarreinsming (57). Tous les habitants de Sarreinsming connaissent bien la forêt du Grosswald avec sa célèbre villa gallo-romaine, mais ce n’est sans oublier la forêt du Lehwald qui renferme de nombreuses richesses. Situé entre le Rosselberg et le ruisseau Bermelslach, cette forêt de 94 hectares se situe sur les coteaux calcaires du Muschelkalk, des structures géologiques qui se sont formées il y a plus de 200 millions d’années au Trias. Il est fréquent d’y trouver des fossiles d’animaux de cette époque, des cératites par exemple, témoin que le village autrefois était recouvert par une lagune.

On peut également y observer d’anciennes bornes cadastrales en pierre, datant peut-être de l’époque napoléonienne et que certains habitants nomment encore « bornes Napoléon » 

C’est à l’occasion de cette promenade que l’enquêteur allait être confronté à un autre gang de champignons.

Cortinarius hinnuleus (Cortinaire à couleur de faon )  – Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Cortinarius hinnuleus (Cortinaire à couleur de faon ) – Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Arme du crime

 

Le champignon pousse au sol et la base de son pied n’agglomère pas de débris organiques. Il s’agit donc vraisemblablement d’un champignon mycorhizien.

 

Profil du suspect

 

La morphologie du champignon est classique, avec un pied et un chapeau. Il possède des lames, non libres et adnées. La couleur de son chapeau est brun roux safrané avec une marge plissée blanchâtre. On devine des restes de voile blanc sur le pied, formant comme un duvet, l’odeur est terreuse, mais ce qui attire l’œil sont surtout les lames espacées, de couleur rouille. Cette couleur signe très souvent un membre des cortinaires.

 

Couleur de sporée

 

La sporée est brun rouille, typique d’un cortinaire.

 

L’examen par la police scientifique

 

Les spores sont bosselées.

Spores. Microscopie x1000 - Cortinarius hinnuleus (Cortinaire à couleur de faon )  – Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores. Microscopie x1000 - Cortinarius hinnuleus (Cortinaire à couleur de faon ) – Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores émises au bout de longues basides. Microscopie x1000-  Cortinarius hinnuleus (Cortinaire à couleur de faon )  – Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores émises au bout de longues basides. Microscopie x1000- Cortinarius hinnuleus (Cortinaire à couleur de faon ) – Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Avec ce type de voile, la dimension et la morphologie des spores, on est en présence d’une espèce commune chez les cortinaires, le cortinaire couleur de faon (Cortinarius hinnuleus). Sous son apparente simplicité, le groupe des hinnuleus nécessite tout de même un examen précis et l’usage d’une monographie s’avéra nécessaire.

 

La conclusion de l’enquêteur

 

Les cortinaires, avec plus de 1000 espèces en Europe, peuvent être l’affaire d’une vie. Des enquêteurs spécialisés, les cortinariologues, les étudient. Avec leur couleur de lame rouille, on ne les confond généralement pas avec un genre, d’autant que beaucoup laissent sur le pied des filaments rouille appelés justement cortine. Pour les reconnaître, il faut disposer de plusieurs spécimens à différents stades, surtout pour observer sur les jeunes spécimens le voile général qui recouvre le pied et qui disparaît ensuite (ce voile peut être de couleur bleue par exemple). Les cortinaires sont des champignons mycorhiziens magnifiques mais qui ne se laissent pas aborder facilement. En priorité il faut observer si le chapeau et/ou le pied sont visqueux, s’il y a un bulbe à la base du pied, la couleur du voile sur un jeune spécimen et après commence une minutieuse étude par la police scientifique.

 

Pour aller plus loin :

Champignons, ce qu’il faut savoir en mycologie. Guillaume Eyssartier, éditions Belin, 2018

Atlas des cortinaires. Les cortinaires hinnuloïdes. Hors-série n°1. A. Bidaux et al.

 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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A
Toujours bien expliqué. Merci !
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