Les super pouvoirs des mousses

Publié le 17 Mars 2023

Les super pouvoirs des mousses

paru sur futurasciences le 13fev 2023

Les mousses poussent partout : sur la glace, la lave, en montagne, dans les déserts, elles résistent à la sécheresse, aux radiations nucléaires. Depuis 400 millions d'années elles colonisent notre univers et nourrissent notre atmosphère en oxygène, et ont permis à d’autres formes de vie de prospérer. De formes différentes, certaines espèces sont considérées comme des bioindicateurs en qualité thermo-hygrométique de l'air. Elles sont de bons bioindicateurs de la pollution et permettent de cartographier les zones où l'on trouve du plomb, cadmium, de l'arsenic et autres métaux lourds en Europe. Alors ouvrez l'œil et protégez-les.

Les bryophytes regroupent trois grands types de petits végétaux, n’excédant pour la grande majorité, pas 10 centimètres de haut : les Anthocérotes (quelques espèces), les Hépatiques (plus de 300 espèces en France) et les Mousses (plus d’un millier en France). Ces trois types de bryophytes partagent le même cycle de développement, où alterne un gamétophyte (la plante feuillée ou le thalle) et le sporophyte.

Des mousses dans le désert et même en Antarctique

On associe souvent les bryophytes aux milieux humides, même si cela est un peu simplificateur. Toutes les espèces ont besoin d’un minimum d’eau pour leurs besoins physiologiques et pour leur reproduction, le gamète mâle étant nageur. Toutefois, de nombreuses espèces ont su s’adapter à des milieux secs, voire arides. On rencontre ainsi de nombreuses espèces de mousses dans les déserts, même si ces espèces ne ressemblent pas du tout aux mousses de nos sous-bois. Elles sont généralement minuscules, difficiles à découvrir et ont tendance à se recroqueviller dans le substrat lors de la saison sèche. On rencontre ainsi les mousses pratiquement à toutes les latitudes. On peut trouver plusieurs dizaines d’espèces en Antarctique, dans les régions les moins hostiles. C’est évidemment dans le domaine tropical que les espèces sont les plus nombreuses et les paysages bryologiques les plus luxuriants.

 
Une mousse, Sphagnum capillifolium dans une tourbière acide du Cézallier. © Florine Pépin, tous droits réservés 

À l’instar des autres végétaux, les bryophytes sont chlorophylliennes et ont donc toujours besoin de lumière pour leur nutrition carbonée. Certains d’entre elles se contentent de faibles éclairements, et peuvent croître dans des cavités sombres ou au fond de ravins et de dolines obscures. Contrairement aux plantes à fleurs, les bryophytes ne possèdent pas de véritables racines. Elles sont ancrées dans le support au moyen de filaments vivants, les rhizoïdes. Ces filaments forment parfois un feutrage dense mais n’ont jamais un rôle actif dans l’absorption des nutriments du sol. Au contraire, les bryophytes ont développé une autre stratégie pour leur nutrition minérale. Elles profitent de la pluie, du ruissellement et des brouillards pour absorber par toute la surface de la plante les éléments minéraux. Les bryophytes sont les championnes de la frugalité, les concentrations en éléments biogènes étant extrêmement faible dans les eaux naturelles.

À l’instar des autres végétaux, les bryophytes sont chlorophylliennes et ont donc toujours besoin de lumière pour leur nutrition carbonée. Certains d’entre elles se contentent de faibles éclairements, et peuvent croître dans des cavités sombres ou au fond de ravins et de dolines obscures. Contrairement aux plantes à fleurs, les bryophytes ne possèdent pas de véritables racines. Elles sont ancrées dans le support au moyen de filaments vivants, les rhizoïdes. Ces filaments forment parfois un feutrage dense mais n’ont jamais un rôle actif dans l’absorption des nutriments du sol. Au contraire, les bryophytes ont développé une autre stratégie pour leur nutrition minérale. Elles profitent de la pluie, du ruissellement et des brouillards pour absorber par toute la surface de la plante les éléments minéraux. Les bryophytes sont les championnes de la frugalité, les concentrations en éléments biogènes étant extrêmement faible dans les eaux naturelles.

Avec près de 1 500 espèces en France, le groupe est très diversifié

Leur biologie particulière et la diversité des stratégies adaptatives leur permettent de coloniser pratiquement tous les habitats naturels du globe. On ne trouve toutefois pas de bryophytes dans la mer.

<em>Ptychomitrium polyphyllum</em> sur un rocher acide en l'Ariège. © Florine Pépin, tous droits réservés 
 
Ptychomitrium polyphyllum sur un rocher acide en l'Ariège. © Florine Pépin, tous droits réservés 

Tout le monde connaît les mousses du sous-bois mais bien d’autres habitats offrent des conditions favorables au développement de nombreuses espèces. En forêt d’abord, elles sont capables de monter en hauteur le long des troncs, de coloniser le bois mort, les pierres, etc. Elles colonisent les rochers de toute nature lithologique, à toutes les altitudes, qu’ils soient secs ou ruisselants. Elles affectionnent particulièrement les zones humides, les tourbières, les lacs. On les trouve jusque dans le fond des lacs méromictiques d’Auvergne (à plusieurs dizaines de mètres de profondeur). Les mousses cryophiles se rassemblent dans les combes à neige, petites dépressions où la neige s’accumule en hiver et ne fond que tardivement dans la saison. On les trouve partout à la surface des réseaux karstiques, dans les gouffres les lapiaz, les canyons, etc. Les habitats artificiels sont également des lieux de prédilection pour les bryophytes. On en trouve une grande variété dans les villages, sur les murs ou sur les arbres d’alignement.

Pour illustrer l’étonnante diversité du groupe et illustrer les formidables capacités d’adaptation de ces espèces, nous avons choisi quelques exemples, tirés au hasard des découvertes que nous avons faites ces dernières années en France.

Partons à la découverte du Tetraplodon angustatus

Le Tetraplodon angustatus est une mousse à la biologie extraordinaire, à l’instar d’autres espèces appartenant à la famille des Splachnaceae. Elle a été découverte récemment dans le Massif du Meygal, en Haute-Loire, une région volcanique et froide de l’est du Massif central. Elle ne se développe ici que sur des crottes de renard, déposées sur les touffes d’une autre mousse (Racomitrium lanuginosum), en guise de marquage sur d’énormes blocs phonolitiques drapant les versants les plus ombragés d’énormes masses de lave !

Blocs de phonolithe dans le Meygal (au premier plan, crottes déposées sur <em>Racomitrium lanuginosum</em>). © Florine Pépin, tous droits résersés 
 
Blocs de phonolithe dans le Meygal (au premier plan, crottes déposées sur Racomitrium lanuginosum). © Florine Pépin, tous droits résersés 

Cette espèce dépend étroitement du comportement territorial du mammifère, qui utilise éventuellement les cavités sous ses blocs comme gîte ou ne fait que passer dans ces énormes éboulis. La mousse est capable de voyager de crottes en crottes grâce à l’intervention de petits insectes volants qui sont attirés par l’odeur putride dégagée par la mousse elle-même.

Crotte de renard, colonisée par <em>Tetraplodon angustatus. © </em>Florine Pépin, tous droits réservés
 
Crotte de renard, colonisée par Tetraplodon angustatus. © Florine Pépin, tous droits réservés

Des mousses hygrophiles dans des forêts sèches : le cas des piscines suspendues

En France, deux mousses sont strictement inféodées à un habitat surprenant : les dendrotelmes. Il s’agit de cavités de taille variable formées par une blessure mal cicatrisée sur un arbre vivant. La blessure est bordée par un bourrelet de cicatrisation qui ne parvient pas à refermer la cavité, qui reste donc béante pendant des années et finit par accumuler de l’eau et de la matière organique.

Dendrotelme abritant <em>Zygodon forsteri. © </em>Florine Pépin, tous droits réservés 
 
Dendrotelme abritant Zygodon forsteri. © Florine Pépin, tous droits réservés 

Cette infusion déborde lors des épisodes pluvieux, ou suinte lentement le long du dendrotelme en éliminant ainsi toutes les mousses et les lichens qui ne supportent guère cette infusion agressive. Seules deux espèces semblent se complaire sur les marges du bourrelet régulièrement soumis à cette agression chimique : Zygodon forsteri sur les chênes dans la région méditerranéenne et Anacamptodon splachnoides sur les hêtres dans le sud du Massif central et les Pyrénées.

Dendrotelme abritant <em>Anacamptodon splachnoides. ©</em> Florine Pépin, tous droits réservés 
 
Dendrotelme abritant Anacamptodon splachnoides. © Florine Pépin, tous droits réservés 

Biologie d’une espèce protégée et méconnue en France

Le cas de Buxbaumia viridis illustre parfaitement l’importance des recherches concernant la biologie des espèces protégées en France que nous réalisons dans le cadre de notre Bureau d’études. Il s’agit d’un taxon un peu mythique, qui fréquente essentiellement les forêts à dominante résineuse en moyenne montagne, où il colonise le bois mort. L’espèce est spectaculaire car elle possède une capsule originale, seul moyen de la détecter, que de nombreux botanistes, y compris les non-bryologues, ont appris à reconnaître et à rechercher.

Capsules de <em>Buxbaumia viridis. © </em>Florine Pépin, tous droits réservés 
 
Capsules de Buxbaumia viridis. © Florine Pépin, tous droits réservés 

D’espèce exceptionnelle à l’échelle européenne, elle est devenue en quelques années relativement commune (dans les habitats favorables) dans les principaux massifs montagneux de France. En parcourant des habitats forestiers et non forestiers de plaine, dans des régions où Buxbaumia viridis n’avait jamais été signalé, nous nous sommes aperçus que l’espèce y existe également, mais sous une autre forme biologique, beaucoup plus difficile à détecter, le protonéma gemmifère, sorte de film verdâtre portant des amas de propagules caractéristiques. Cette espèce est probablement présente partout en France sous cette forme mais était passée inaperçue jusqu’alors. 

Phase stérile de <em>Buxbaumia viridis</em> sur du bois mort. © Florine Pépin, tous droits réservés
 
Phase stérile de Buxbaumia viridis sur du bois mort. © Florine Pépin, tous droits réservés

Malheureusement, plus les espèces sont spécialisées et de petite taille, et parfaitement adaptées à une niche étroite, plus elles sont sensibles à toute perturbation ou bouleversement des équilibres écosystémiques.

<em>Buxbaumia viridis</em> - stade stérile, à fort grossissement. © Florine Pépin, tous droits réservés
 
Buxbaumia viridis - stade stérile, à fort grossissement. © Florine Pépin, tous droits réservés

On estime que 40 % des espèces de la bryoflore de France sont menacées

Certaines d’entre elles ont disparu depuis plusieurs dizaines d’années, comme l’emblématique Meesia longiseta, qui fréquentait des bas-marais alimentés par une eau pure, et qui a régressé au cours du XXe siècle jusqu’à s’éteindre sous la pression exercée sur les milieux tourbeux. Les drainages, plantations de résineux exotiques, l’eutrophisation (par pollution des bassins-versants) ont eu raison de cette splendide espèce, véritable joyau des froides étendues tourbeuses.

Meesia triquetra est une espèce qui pourrait subir le même sort que sa congénère, car elle est en forte régression à l’échelle nationale. En étroite collaboration avec le conservateur de la Réserve naturelle nationale des Sagnes de la Godivelle (Puy-de-Dôme), Lionel Pont, un ambitieux programme de renforcement des populations présentes dans le site a été initié il y a quelques années.

<em>Meesia triquetra</em> (individu mâle). © Florine Pépin, tous droits réservés
 
Meesia triquetra (individu mâle). © Florine Pépin, tous droits réservés

Meesia triquetra colonise des radeaux en voie d’atterrissement et est en passe de disparaître ici sous la pression d’autres bryophytes devenues plus dynamiques. Des placettes expérimentales ont été décapées à la main pour limiter la compétition, et un broyat d’individus prélevés dans le site a été épandu à la surface de la tourbe. Les résultats sont très encourageants, plusieurs petites colonies ayant pu être initiées. Il s’agit d’un sauvetage d’urgence qui va de pair avec des mesures visant à restaurer l’écosystème plus globalement, en réduisant les intrants, en limitant la dynamique de boisement, etc.

Rivière vive sur granite, habitat de <em>Dendrocryphaea lamyana. © </em>Florine Pépin, tous droits réservés
 
Rivière vive sur granite, habitat de Dendrocryphaea lamyana. © Florine Pépin, tous droits réservés

D’autres espèces vont disparaître sous nos yeux. Dendrocryphea lamyana est une mousse océanique, endémique d’Europe, qui se développe sur les rochers des berges de rivières, comme la Vienne ou ses affluents, dans les zones soumises aux remous. La construction d’innombrables barrages, combinée à la dégradation de la qualité de l’eau, est la cause d’une dégradation fonctionnelle majeure des cours d’eau, qui sont devenus calmes. Dendrocryphaea lamyana a besoin d’une eau vive. En France, quelques petits foyers moribonds subsistent mais pour combien de temps.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Mousses-Algues

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T
Merci pour cet article très instructif. Les mousses m'ont toujours fascinée. <br /> Il m'arrive souvent de contempler la beauté de ces "paysages en miniature".<br /> Je me permets d'ajouter un lien, juste pour les magnifiques photos (le texte est en anglais).<br /> <br /> https://www.countrylife.co.uk/nature/moss-350-million-year-old-plants-turn-unsightly-things-radiant-beauty-203327
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A
Merci Toll de ce commentaire et lien.<br /> Roland
M
Article très clair sur ce monde passionnant des mousses ! D'autant plus passionnant que leur diversité passe souvent inaperçue, il faut y aller à la loupe et à 4 pattes mais quelle merveille !<br /> Je suis contrite d'apprendre que 40% de la bryoflore est menacée en France, sans doute ailleurs aussi ...
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A
Merci Martine de ce commentaire. Oui la bryoflore est menacée comme toute la biodiversité...
P
Passionnant. Mais quel monde !
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A
Tout à fait Pomme63 et un monde très vaste!<br /> Roland