Le loir pygmée, un rongeur quasi aveugle qui voit avec... ses oreilles

Publié le 10 Octobre 2023

Un loir pygmée de Chine (Typhlomys cinereus)

Un loir pygmée de Chine (Typhlomys cinereus)

paru sur Geo

 

Nom : loir pygmée asiatique, genre Typhlomys

Localisation : Asie de l'Est notamment en Chine et au Vietnam

Signe particulier : Ce mammifère arboricole quasiment aveugle est le seul connu pour pratiquer l'écholocation

Quand le soleil se couche sur les forêts montagneuses de Chine, un petit mammifère sort de sa cachette pour trouver de quoi se nourrir. Avec sa fourrure grise et sa taille qui ne dépasse pas les dix centimètres, l'animal n'a aucun mal à se faire discret parmi la végétation plongée dans l'obscurité.

Sortir de nuit est une tactique largement éprouvée pour échapper à ses prédateurs. Mais elle ne se fait pas sans difficulté. Encore faut-il être capable de s'orienter dans un environnement nocturne. Pour le loir pygmée de Chine (Typhlomys cinereus), aucun problème visiblement.

Tel n'importe quel rongeur, il avance à toute vitesse les moustaches frémissantes en quête de graines, de fruits ou de feuilles à se mettre sous la dent. Quel est son secret ? Un odorat très développé ? Probablement. Une vue perçante digne d'un chat ? Nullement, loin de là même.

 

Mini yeux mais grandes oreilles

Le loir pygmée est quasi totalement aveugle. En étudiant ses minuscules globes oculaires, les scientifiques se sont aperçus que leur anatomie était un vaste chantier et ne lui permettait pas de percevoir correctement ce qui l'entoure. L'animal est tout au plus capable de différencier le jour et la nuit.

Mais alors comment fait-il pour bien s'orienter ? Etrangement, la réponse se trouve dans... ses grandes oreilles. Le rongeur appréhende en effet ses environs en envoyant des cris de haute fréquence et en percevant comment leurs échos rebondissent sur ce qui l'entoure. Un procédé appelé écholocation.

A l'heure actuelle, seuls deux groupes de mammifères sont bien documentés pour utiliser cette technique : les chauves-souris et les cétacés dont les baleines et les dauphins. Des observations ont suggéré que certaines musaraignes peuvent en faire de même. Le comportement reste cependant rare.

Crier pour se repérer

Le loir pygmée serait ainsi le premier mammifère arboricole connu pour employer l'écholocation. C'est une étude parue en 2016 qui a mis en évidence cette capacité chez l'espèce Typhlomys chapensis. Cinq ans plus tard, une autre étude montre désormais que les quatre espèces de Typhlomys en seraient capables.

En plongeant des spécimens dans une totale obscurité et en les plaçant dans des endroits cloisonnés ou non, les chercheurs ont observé que les rongeurs augmentaient significativement la fréquence et le nombre de leurs cris dans la première situation.

De même, ils parvenaient à trouver leur chemin à travers de petits trous mais uniquement après avoir émis une série de cris. Enfin, les scientifiques se sont aperçus que boucher les oreilles des loirs pygmées conduisait à une chute drastique de leurs performances.

D'après les recherches menées, la structure des cris des Typhlomys est similaire à celle des appels des chauves-souris. Les signaux sont en revanche bien plus faibles. A tel point que les détecteurs utilisés pour écouter les mammifères volants peinent à les capter.

L'écholocation, ce mystère qui intrigue la science

Pas étonnant donc que le super-pouvoir des rongeurs asiatiques n'ait été identifié que récemment. Et il ne fait pas que montrer ces espèces méconnues sous un nouveau jour. Cette découverte représente aussi une aubaine pour mieux comprendre l'écholocation et son origine.

En scrutant l'anatomie des loirs pygmées, les chercheurs se sont aperçus que deux de leurs os étaient fusionnés, à proximité de leurs oreilles. Une particularité jusqu'ici uniquement connue chez les chauves-souris auxquelles ils ne sont pourtant pas étroitement apparentés.

Ceci laisse penser que cette capacité pourrait avoir évolué indépendamment au sein de plusieurs lignées et exister chez davantage d'animaux qu'on ne pense. L'exemple des Typhlomys relance aussi une question, digne de l'oeuf et la poule, qui triture les neurones des scientifiques depuis longtemps : les chauves-souris ont-elles commencé par voler ou écholocaliser ?

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité hors région

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T
Merci pour cet article très intéressant. <br /> Les humains en ont encore des choses à découvrir!
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A
Merci Toll. Oui pour tout découvrir plusieurs vies ne suffisent pas...
S
Que des articles très très interessants. J'apprends plein de choses. Merci beaucoup.
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A
Merci Sylvain de ce commentaire et content que cette sélection d'articles te plaise.<br /> <br /> Roland