Enquête mycologique, épisode 59, Crepidotus variabilis (Crépidote variable)
Publié le 17 Septembre 2022
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 12 septembre 2022, dans la forêt de Siltzheim, une forêt à tendance acidiphile à tendance limoneuse. Après des semaines et des semaines de sécheresse, c’est à la faveur de pluies orageuses que les gangs fongiques sortent du sol
Arme du crime
Le champignon pousse sur une branche de bois. Aucun doute qu’il s’agit d’un champignon saprophyte.
Profil du suspect
Le champignon est en forme de demi-cercle, plutôt petit (environ quelques mm), attaché directement à la branche. Il n’a pas de pied.
Un coup d’œil en dessous permet de voir qu’il s’agit d’un champignon à lames. Ici on ne parlera pas de lames libres, échancrées, etc. vu qu’il n’y a pas de pied. On dira que les lames sont rayonnantes à partir d’un point central.
En mycologie, cette morphologie en forme de demi-cercle avec des lames rayonnantes se nomme la morphologie crépidotoïde.
Le chapeau est blanc crème, les lames blanches rosâtres.
A ce stade il faut garder à l’esprit que la morphologie crépidotoïde existe chez de nombreux groupes de champignons. Pour affiner l’identification, il faut passer par la sporée.
Couleur de la sporée.
Nul besoin ici de faire une manipulation pour déterminer la couleur des spores. Quand des champignons sont superposés, un chapeau au-dessus de l’autre, les spores des lames du champignon d’au-dessus viennent se déposer sur le chapeau du champignon d’en dessous et ainsi forment la sporée. Ici on voit immédiatement que la sporée est brune.
Ainsi on peut affirmer sans difficultés qu’on est en présence du genre Crepidotus.
Mais pour aller plus loin, il faudra faire appel à la police scientifique. Sauf rares exceptions, les membres de ce gang sont difficiles à déterminer sans examen microscopique
La police scientifique
Les spores sont verruqueuses et on note que les hyphes sont bouclées.
Mais qu’est-ce que ces boucles ?
Pour simplifier, un champignon généralement, dans sa forme végétative, est constitué d’un filament (l’hyphe) qui est cloisonné. Ainsi le filament est compartimenté. Dans chaque compartiment se trouve deux noyaux (on dira génétiquement qu’il est n+n). Le filament doit progresser dans le sol. Pour cela il grandit. Cette croissance se fait à l’extrémité du filament, dans une structure cellulaire qui s’appelle le Spitzenkörper.
La problématique est que pour le nouveau compartiment fabriqué, il faudra retrouver deux nouveaux noyaux n+n. Pour contrôler correctement cette migration, les boucles sont nécessaires. Ces boucles, nommées aussi anses dangeardiennes, sont ainsi indispensables pour la répartition correcte du matériel génétique lors de la croissance de l’hyphe.
Cystides ramifiées, microscopie x1000- Crepidotus variabilis (Crépidote variable) Photo: Gilles Weiskircher (Anab)
La conclusion de l’enquêteur :
Avec tous ces éléments, le champignon est Crepidotus variabilis, le Crépidote variable, un champignon décomposeur assez fréquent, à observer sur des branches mortes dès le retour de la pluie.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)