Enquête mycologique, épisode 79, Coprin cendré. Coprinopsis cinerea
Publié le 25 Février 2023
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent. Et c’est un gang redoutable qui attend l’enquêteur.
Scène du crime
Nous sommes le 14 octobre 2022, à Zetting, sur...un tas de fumier
Voilà un lieu de pousse pour le moins singulier. Le mycologue n’hésite pas à braver des « milieux extrêmes » pour étudier les champignons
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, avec des débris agglomérés à la base du pied. Il s’agit vraisemblablement d’un champignon saprophyte.
Profil du suspect
La morphologie du champignon est classique, pied et chapeau. Avec un chapeau ovoïde campanulé, l’enquêteur pense tout de suite à un coprin au sens large. Avec ce type de champignon, il s’agit d’être rapide car ils sont très fragiles et se liquéfient rapide.
Le chapeau est gris brun et recouvert d’un voile blanc, floconneux fugace. Le pied est blanc, recouvert d’une pruine
Avec un biotope pareil, le nombre de candidats est réduit mais néanmoins l’appel à la police scientifique sera indispensable pour confirmer l’identification.
Sporée :
Elle est noire, typique des coprins.
Examen par la police scientifique.
Les spores sont elliptiques, de dimension 10-12 microns, avec un petit appendice hilaire.
Une microscopie des flocons montre qu’ils sont formés d’articles renflés, allongés, étranglés au niveau des parois, avec une cellule terminale cylindrique.
Les cheilocystides sont globuleuses.
Cheilocystides. Microscopie x1000 de Coprin cendré. Coprinopsis cinerea - Photo : Gilles Weiskircher (Anab)
Avec tous ces éléments, on est en présence du coprin cendré, un champignon fréquent sur les tas de fumier, où il peut pousser à tout moment de l’année et en grand nombre, à la faveur d’une pluie soutenue.
Les coprins au sens large
Pour le grand public, coprin est synonyme du célèbre coprin chevelu, un champignon comestible. Mais les apparences sont trompeuses. Derrière ce nom se cache un groupe assez difficile, avec près de 150 espèces en Europe. De manière générale, les coprins sont des champignons à chair fragile, à lames libres, avec une sporée noire, se liquéfiant assez rapidement, ce qui complexifie leur étude. Ils sont saprotrophes. Le genre Coprinopsis se distingue des genres Coprinus et Coprinellus par la structure du voile, granuleux-farineux pour ces derniers.
Pour les étudier, un examen de la surface du chapeau est indispensable pour évaluer la nature du voile présent : filamenteux, farineux, etc.
Les coprins sont nombreux, variés et exigent une détermination minutieuse au microscope.
Statut selon l’INPN : LC (Préoccupation mineure) sur la liste rouge des champignons menacés. Espèce déterminante de l’inventaire ZNIEFF.
Comestibilité : Non comestible. Le milieu de pousse n’est pas non plus propice à aiguiser l’appétit.
La conclusion de l’enquêteur
Il n’est pas facile d’identifier ces petits coprins. Beaucoup perdent leur voile en grandissant et l’enquêteur perd ainsi un critère précieux de détermination. De plus, leur fragilité est aussi un frein à leur étude.
Pour aller plus loin.
Champignons, ce qu’il faut savoir en mycologie. Guillaume Eyssartier, éditions Belin, 2018
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)