Enquête mycologique, épisode spécial. En mycologie, les apparences sont trompeuses (Bo. ti.)
Publié le 5 Août 2023
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.
Vous l’aurez certainement remarqué, l’enquêteur de la brigade d’identification des champignons évoque rarement des critères comme la taille, etc.
Dans les guides de champignons, une photo illustre souvent le champignon décrit. Qui n’a jamais, en voulant identifier un champignon, tourné les pages pour trouver la photo la plus ressemblante ? Écrivons le en gras et en majuscule : IL NE FAUT SURTOUT PAS PROCÉDER AINSI !
Et l’enquêteur va vous le démontrer, avec un exemple théorique et un exemple pratique survenu il y a quelques jours.
Imaginez que des extra-terrestres vous demande de faire une fiche d’identification pour Homo sapiens, accompagnée d’une photo d’illustration. Quelle photo allez vous mettre ? Celui d’un homme ? (à éviter sinon les associations féministes vont vous trucider), celui d’une femme ? Une personne blonde, rousse, de peau blanche, noire, le président de L’ANAB, un jeune enfant, un individu maigre ou plus enveloppé, etc ? Bref, vous aurez compris que cette demande, en apparence anodine, est finalement très complexe. Aucune photo ne sera représentative d’un exemplaire d’Homo sapiens. Et bien heureusement, c’est toute la richesse de notre espèce. Pour les champignons, c’est pareil. Une photo ne sera jamais représentative d’une espèce. On va voir ça tout de suite avec une mésaventure arrivée à l’enquêteur.
Nous sommes le 1er août 2023, dans la forêt de Butten. Un champignon, au bord d’un chemin forestier, attire l’attention de l’enquêteur.
De loin, l’enquêteur pense immédiatement à un membre du groupe des Parasola/Coprinellus.
Regardez sur la photo après un exemplaire de ce groupe.
Troublante ressemblance. Néanmoins, plusieurs points chiffonnent l’enquêteur : la couleur des lames devraient être grises chez un Parasola, ici elles sont ocre. Et regardez bien le tout petit spécimen qui est à gauche. Ca ne colle pas avec un Parasola mais plutôt un Bolbitius comme on peut le voir sur la photo ci-après :
Très troublant pour l’enquêteur car le champignon Bolbitius titubans lui est pourtant familier et bien souvent il l’a appréhendé, comme le montre la photo suivante, prise en prairie :
Comme on peut l’observer, ce n’est absolument pas ressemblant au spécimen trouvé dans la forêt.
Soucieux d’aller au bout de la démarche, une sporée est faite.
Aucun doute possible, ce n’est par un Parasola car la sporée serait noire. Cette sporée ocre signe bien un Bolbitius titubans (Bulliard) Fries (1838), ou Bolbitie jaune d’oeuf.
Que retenir de tout cela ?
-les apparences sont trompeuses. Les exemplaires poussant en prairie amendée peuvent ne pas avoir le même gabarit que ceux poussant en forêt. On a ici un exemple de variabilité au sein d’une même espèce.
- identifier un champignon, c’est observer plusieurs critères objectifs.
- on n’identifie jamais avec un seul exemplaire ; il faut privilégier plusieurs exemplaires, à des stades de développement différents.
- dans un guide d’identification, c’est le texte descriptif qui est le plus important pour identifier.
- rester modeste. Même les meilleurs enquêteurs doutent et peuvent se tromper. Toujours mettre en œuvre une démarche de détermination.
Ainsi, il faut savoir quoi observer et quoi noter. Déterminer s’apprend.
Pour aller plus loin.
Champignons, ce qu’il faut savoir en mycologie. Guillaume Eyssartier, éditions Belin, 2018
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)