Enquête mycologique, épisode 106, Omphale gracile Fayodia bisphaerigera
Publié le 30 Septembre 2023
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 30 octobre 2022, dans la forêt d’Enchenberg, une forêt gréseuse avec des pins et quelques feuillus
Arme du crime
Le champignon pousse dans des mousses de type sphaigne, ces derniers recouvrant des rochers de grès. Il s’agit vraisemblablement d’un champignon saprophyte.
Profil du suspect
C’est un petit champignon de 2 cm, de structure classique pied chapeau. Les lames sont adnées à échancrées. Le chapeau est strié. Pas d’odeur ou de saveur particulière.
À ce stade et vu la morphologie on pense immédiatement à un mycène mais gare aux apparences, surtout en mycologie.
Mais aucun mycène ne correspond à notre spécimen, pas un seul suspect qui lui ressemble. Il n’y a pas d’autres choix que de faire appel à la police scientifique.
La sporée n’a pas été réalisé mais elle est blanche.
L’examen par la police scientifique
Première surprise et de taille : les spores sont verruqueuses et à paroi épaisse. Ce n’est pas une caractéristique des mycènes. Pour s’être déjà fait avoir une fait par ce gang, l’enquêteur pense immédiatement au groupe des Fayodia/Gamundia, des champignons qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à des mycènes sans en être.
Les spores sont également amyloïdes dans le réactif de Melzer, mais uniquement la paroi.
Spore dans Melzer. Microscopie x1000 d'Omphale gracile Fayodia bisphaerigera -Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Les basides sont aussi surprenantes : les stérigmates sont longs, unisporiques ou bisporiques
Les cheilocystides sont cylindriques.
Cheilocystides Microscopie x1000 d'Omphale gracile Fayodia bisphaerigera -Photo Gilles Weiskircher (Anab )
Les hyphes sont bouclées.
Hyphe bouclée Microscopie x1000 d'Omphale gracile Fayodia bisphaerigera -Photo Gilles Weiskircher (Anab )
Tous ces éléments permettent de déterminer le spécimen comme l’Omphale gracile Fayodia bisphaerigera (J.E. Lange) Singer (1936).
Il est impossible, sans microscopie, d’identifier un membre des genres Fayodia/Gamundia. Le genre Fayodia se caractérise par les spores à paroi épaisse et amyloïde, comme nous le voyons dans cet exemple, au contraire du genre Gamundia à spores à paroi fine et non amyloïde (Notes on the genus Fayodia s.l. (Tricholomataceae) Type studies of European species described in the genera Fayodia and Gamundia. Vladimir Antonin in PERSOONIA Volume 18, Part 3, 341-364 (2004))
Statut selon l’INPN : Non déterminé
Comestibilité : Inconnu
La conclusion de l’enquêteur
Voilà un groupe de champignons difficile à appréhender. On connaît 3 espèces du genre Fayodia en Europe. C’est un genre créé en 1930 en hommage au mycologue suisse Victor Fayod. L’Omphale gracile apprécie les forêts de conifères.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)