L'Euphorbe des marais (Euphorbia palustris).
Publié le 22 Novembre 2023
Si vous trouvez cette plante dans une zone humide, il s‘agit sans doute d’un espace protégé ou/et préservé de la pollution et de l’agriculture industrielle. Par sa grande taille, elle fait figure d’extraterrestre dans notre région parmi les autres euphorbes Dans d’autres régions, méditerranéennes ou tropicales les grandes euphorbes sont bien plus fréquentes et certaines arbustives.
Roland
Nom scientifique : Euphorbia palustris L., 1753
Origine du nom: du grec « Euphorbia » qui était le nom du médecin du roi de Mauritanie, Juba voici plus de 2000 ans, vers - 40 av. J.C. et de « palustris» , « le marais ».
Autres noms communs : Euphorbe faux cyprès, Petite ésule.
Nom commun allemand/ dialecte : Sumpf Wolfsmilch
Nom anglais : marsh spurge
Date de l’observation: le 15 juin à Munchausen (67)
Famille de plantes : celle des Euphorbiacées qui contient plus de 8000 espèces réparties dans 300 genres, aussi bien des herbes que des arbres (comme l’arbre sablier Hura crepitans , sujet d’un quiz sur notre blog) et même des plantes succulentes semblables aux cactus. La majorité d’entre elles sont des plantes de climats très secs ou xérophytes. Elles sont très présentes sous les tropiques en zone Inde Malaisie mais aussi un peu sur tous les continents sauf les zones très froides.
Les Euphorbiacées les plus intéressantes au niveau économique sont :
- pour l’industrie, l’Hévéa producteur de latex et à la base du caoutchouc naturel
- pour l’alimentation, le manioc (Manihot esculenta) qui est une des plantes les plus consommées au monde.
Son latex est riche en toxiques proches du cyanure. Il doit obligatoirement subir un traitement de lavage et cuisson pour être consommé.
En France continentale nous n’avons que deux genres, Mercurialis et Euphorbia. Ce dernier genre est très riche en espèces avec plus de 2160 représentants au niveau mondial.
Le caractère commun le plus évident des euphorbiacées est la présence d’un liquide blanc rarement jaune, toxique, appelé latex. Il est contenu dans les tiges et troncs.
Les plantes sont très variables et leur fleur complexe est aussi très changeante.
Catégorie: plante vivace, robuste, nombreuses tiges non fleuries
Les parties blessées laissent couler un latex blanc qui coagule rapidement.
Hauteur: de 50 à 150 cm
Tiges et racines: tige principale robuste, ramifiée- à feuilles alternes, et aux rameaux très feuillés souvent de couleur rouge.
La racine est tubérisée et produit une tige principale et des racines adventives. Chacune peu produire une tige et certaines plantes comptent plus de 100 tiges issues de la base. Le résultat est une apparence de touffes et des individus clairsemés. La plante peut émettre des stolons qui seront (rarement) à l’origine de nouveaux plants.
Feuilles: alternes, glabres, denticulées ou non et effilées à leur extrémité. Elles sont de couleur vert glauque au printemps et en été et virent au rouge en automne. Elles sont lancéolées, souvent ondulées. Elles mesurent plus de 9 cm de long pour 2 de large sur l’axe principal et seulement 4 à 6 cm pour 1.2 cm de large sur les tiges extérieures.
Floraison: juin à juillet
Couleur des fleurs: une grande ombelle porte une douzaine de rayons qui se démultiplient. Les fleurs sont aux extrémités. A la base des rayons se trouvent 2 à 4 petites feuilles, alternes, ou bractées de forme ovales-triangulaires, non soudées.
La couleur dominante des fleurs est jaune et vert pendant la floraison. Les fleurs de cette euphorbe diffèrent nettement des fleurs classiques. Ici les sépales, et pétales ne sont pas visibles. La fleur est constituée par une coupe formée de 2 pièces foliaires non soudées, avec des étamines réduites, c’est le cyathum.
Dans cette coupe se trouvent 4 glandes nectarifères jaune ovales. Au centre une capsule de 5 à 6 mm portée par un pédoncule est couverte de petits tubercules ronds, réguliers. Des bandes irrégulières sans tubercules parcourent la capsule. Cinq groupes d’étamines (non visibles sur les photos) entourent la partie femelle de la fleur.
Pollinisation: par les insectes, surtout les mouches, les syrphes attirées par une odeur faible mais caractéristique. Les fourmis, les coléoptères comme les Dermastidae, les Chrysomelidae, et les abeilles à langue moyenne ou longue sont aussi attirés par un nectar riche en sucres, glucose, saccharose et fructose et les couleurs vives de l’inflorescence.
La pollinisation croisée via les insectes est obligatoire chez cette plante. Sans eux elle ne produit pas de graines viables.
Fruits: les capsules se désagrègent en 3 parties à maturité. Les graines produites dans la capsule possèdent des tissus remplis d’air. Elles flottent très bien et leur capacité de flottaison dure de 1 à 7 semaines. La dispersion des graines par l’eau assure bien plus de succès que la propagation par stolons.
Habitat: Cette plante aime le soleil et les terrains très humides. Elle pousse dans les marais, sur les berges des étangs et rivières et des lacs. Elle est présente dans toute l’Europe jusqu’en Sibérie et le nord de la Chine. Elle est tolérante au sel et peut se développer dans les marais salants.
La thèse de Christina Wärner (2) sur les plantes de marécages et sur celle-ci en particulier permet de mieux comprendre le déclin de cette Euphorbe des marais.
Cette Euphorbe des marais a besoin d’un hiver très humide avec une inondation qui permet de recharger en nutriments le sol et de disperser ses graines. Les digues construites le long des rivières empêchent cette recharge et isole les populations. Les placettes de moins de 10 individus n’ont aucune chance de survie à court terme et d’après Wärner les populations de 1000 individus ont une survie d’au plus 120 ans.
L’isolement et les petites populations provoque une faible diversité génétique et précipite leur disparition. Les inondations permettent de disperser les graines. En germant ces graines vont croiser leurs gènes via le pollen avec les populations locales redynamisant leur génétique. Ces inondations sont indispensables.
Jardinerie : plante utilisée pour ses couleurs changeantes- Récompense obtenue par la RHS, Royal Horticultural Society , en Angleterre.
Écologie : le latex est moins toxique que celui d’autres euphorbes. Il a sans doute un rôle protecteur contre les herbivores des milieux humides : escargots, limaces, insectes, mammifères
Utilité alimentaire: aucune car cette plante est toxique.
Utilisation médicinale :
Plante protégée presque partout et donc à ne pas arracher ni utiliser.
Cette euphorbe contient du latex et des esters de terpènes caractéristiques et la plante de nombreux tanins et flavonoïdes. Le latex possède des propriétés antifongiques, antivirales et antibactériennes (4). La composition du latex peut varier chez la plante quand on la contamine (3) avec des moisissures. Ceci indique que la plante est capable de répondre à une attaque de ces microorganismes.
Texte et photos : Roland Gissinger (ANAB)
Sources bibliographiques voir index biodiversité
1/Euphorbia palustris RHS
2/Ökologie und Biologie gefährdeter Stromtalpflanzen -C Wärner 2012
3/Metabolic changes in Euphorbia palusrtis latex after fungal infection- Krstic 2016
4/Triterpene composition of the plant species Euphorbia palustris Krtki -2022
Protection :
Comme les zones inondables ont été détruites , drainées ou occupées par l’urbanisation cette plante très fréquente autrefois, est devenue une rareté dans de nombreux pays d’Europe et en France où elle est à présent protégée par la loi. L’endiguement des rivières et la régulation des cours d’eau a réduit ses populations et entrave son brassage génétique. L’Euphorbe des marais est classée comme rare dans presque toutes les régions de notre pays, la carte de répartition ne reflète pas sa fréquence sur le terrain.
Région |
Statut |
Statut |
Protection légale |
Déterminant |
Alsace |
NT |
Quasi Menacé |
Oui |
X |
Aquitaine |
VU |
Vulnérable |
|
X |
Auvergne Rhône-Alpes |
|
|
|
X |
Bourgogne- |
NT |
Quasi Menacé |
Oui |
X |
Champagne -Ardenne |
NT |
Quasi Menacé |
|
X |
Corse |
RE |
Disparue |
|
|
Franche-Comté |
N |
En danger |
Oui |
X |
Haute Normandie |
NT |
Quasi Menacé |
|
X |
Hauts-de-France |
|
|
|
X |
Ile-de-France |
VU |
Vulnérable |
|
X |
Languedoc -Roussillon |
|
|
|
X |
Limousin |
VU |
Vulnérable |
|
|
Lorraine |
|
|
Oui |
X |
Midi-Pyrénées |
|
|
|
X |
Nord-Pas-de-Calais |
RE |
Disparue |
|
|
Nouvelle Aquitaine |
|
|
|
X |
Occitanie |
|
|
|
X |
Pays de Loire |
VU |
Vulnérable |
Oui |
X |
Picardie |
EN |
En danger |
Oui |
X |
Poitou-Charentes |
NT |
Quasi Menacé |
|
X |
Rhône-Alpes |
EN |
En danger |
Oui |
|
Une plante classée déterminante Znieff dans une région indique qu’elle y est rare.