La Mouche-à-scie de la scrofulaire, Tenthrède de la Scrofulaire (Tenthredo scrophulariae)

Publié le 3 Janvier 2024

La Mouche-à-scie de la scrofulaire, Tenthrède de la Scrofulaire (Tenthredo scrophulariae) et répartition selon INPN
La Mouche-à-scie de la scrofulaire, Tenthrède de la Scrofulaire (Tenthredo scrophulariae) et répartition selon INPN

La Mouche-à-scie de la scrofulaire, Tenthrède de la Scrofulaire (Tenthredo scrophulariae) et répartition selon INPN

Nom scientifique :  Tenthredo scrophulariae Linnaeus, 1758

Origine du nom  : vient du grec « tenthredo » qui veut dire  « sorte de guêpe » et de « scrophulariae», en référence à ses plantes préférées, les Scrofulaires.

Nom Allemand: Braunwurzblattwespe

Nom anglais : figwort sawfly

Classification : la Tenthrède de la Scrofulaire fait partie de l’Ordre des Hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis…): insectes à 2 paires d’ailes membraneuses, aux pièces buccales de type broyeur/ lécheur avec des mandibules dentées capables de déchiqueter une nourriture solide. Beaucoup d’hyménoptères absorbent aussi des liquides, par exemple les abeilles qui  se nourrissant surtout de nectar  possèdent une » langue « tubuleuse en plus de solides mandibules utilisées pour la construction du nid ou d’ autres activités.
Les Hyménoptères regrouperaient environ 100.000 à 120.000 espèces à l’échelle mondiale rivalisant avec les Coléoptères ( scarabées, coccinelles .. ) : 300.000 à 400.000 espèces, les Lépidoptères ( papillons ) : 110.000 à 120.000 espèces et les Diptères ( mouches, moustiques ..) : 90.000 à 150.000 espèces.

Les Hyménoptères  représentent probablement l’ordre d’insectes qui a le rôle écologique le plus important et le plus diversifié. Ils jouent un rôle indispensable en tant que phytophages, régulateurs de populations d’arthropodes, prédateurs et
pollinisateurs.
Pour en savoir davantage sur le rôle des
Hyménoptères  dans la pollinisation, retrouvez cet article paru sur notre  blog .

Ce sont des insectes à métamorphose complète comme les coléoptères et les papillons. Ils ont par conséquence des stades larvaires et un stade nymphal morphologiquement et biologiquement différents du stade adulte.
Les adultes ( imago ) se distinguent donc  par leurs pièces buccales broyeuses- lécheuses et dans une grande majorité d’espèces, par  2 paires d’ailes membraneuses, dépourvues d’écailles et de dense pilosité.

Ces 2 paires d’ailes se distinguent nettement par leur taille. L’aile antérieure, plus grande est rabattue en une gouttière sur son bord postérieur sur laquelle vient s’engager une série de petits crochets (hamules) situés sur le bord antérieur de l’ aile postérieure couplant ainsi les 2 ailes en vol. 


Mâles-femelles :
Remarquez le cas des fourmis également classées parmi les Hyménoptères. Dans cet ensemble, toutes les fourmis ailées sont des reines et des mâles qui s’accouplent la plupart du temps hors de la fourmilière. Une fois fécondée et à l’abri, la reine arrache ou coupe ses ailes devenues gênantes.

Du point de vue génétique, l’hyménoptère  femelle pond 2 types d’œufs : des œufs à 2n chromosomes issus de la fécondation de l’ovule par un spermatozoïde, qui donneront des femelles et  des œufs à n chromosomes issus d’ovules non fécondés  qui donneront des mâles.
C’est la femelle qui  choisit si l’ovule sera fécondé ou non. C'est en déclenchant l'ouverture du  couvercle de la spermathèque qu'elle permet l'arrivée de spermatozoïdes pour féconder l’œuf. Si elle ne déclenche pas l'ouverture, l'œuf non fécondé deviendra un mâle.

L’ordre des Hyménoptères se divise en deux sous-ordres : les Symphytes et les Apocrites.
Les Apocrites, sous-ordre très vaste comprend beaucoup d’espèces parasites comme les ichneumons et d’ insectes sociaux comme les  fourmis, les guêpes, les abeilles.Leur caractère le plus typique est la «  taille de guêpe » qui semble séparer  le thorax de l’abdomen.
Quant aux Symphytes ou « Mouches à scie », ils se distinguent, par l’absence de taille . Leur nom vient de la forme de l’ovipositeur qui chez la femelle de la plupart d’espèces ressemble à une minuscule scie lui permettant d’entailler les végétaux où elle déposera ses œufs.


Famille : la Tenthrède de la Scrofulaire est un Symphyte faisant  partie de la famille des  Tenthredinidae.
Cette vaste famille  regroupe  des insectes de 2 à 20 mm de long de couleur noire ou brune. Certains comme T.livida ou T.ferruginea ont des couleurs plus  vives, tirant vers le rouge. D’autres sont noires rayées de jaune. Elles peuvent dans ce cas, ressembler à des guêpes mais l’absence de taille permet de les différencier. Comme elles ne peuvent pas piquer, il s’agit clairement d’un cas de mimétisme.

Les antennes ont de 7 à 15 articles mais en général 9. La plupart sont sétiformes (effilées de la base à la pointe ) ou filiformes.
Les nervures des ailes sont bien développées.

La particularité des tenthrèdes est que leur forme larvaire ressemble à des chenilles de papillons. Ces fausses- chenilles  sont exclusivement phytophages.  Elles ont 6 à 9  paires de fausses  pattes, la chenille du papillon ayant 5 paires de fausses pattes ou moins. Ces larves  adoptent une position typique en forme de « S » en cas de danger. Elles vivent souvent en petits groupes d’une douzaine et peuvent causer de réels dégâts aux végétaux.

Nombre d’espèces: à elle seule, cette famille des Tenthredinidae comprend 9000 espèces réparties dans le monde entier. C’est l’une des plus présentes en nombre et espèces dans notre faune européenne avec 1070 espèces et sous-espèces.

Observation : le 14 juin à Struth  (67- Bas-Rhin)

Dimensions : 11 à 15 mm, taille d’une abeille domestique.

Durée d’observation: mai  à août

Description: la Tenthrède de la Scrofulaire  est très peu velue et son corps noir, ponctué  est marqué de bandes jaune vif. Elle a donc une allure de guêpe sans en avoir la taille !
La tête porte des yeux à facettes convergents vers le bas, entre le labre jaune et le front, un clypeus en partie jaune et derrière les yeux, une tache jaune allongée.
Les antennes sont entièrement jaunes  orangés, leur pointe n’est pas effilée. Elles sont courtes et atteignent à peine le bord postérieur du thorax.
Le thorax avec une petite tâche jaune  sur les côtés présente un scutellum et un post scutellum  jaunes.  
La couleur des ailes est légèrement fumée, le bord d’attaque de l’aile est orangé ainsi que le ptérostigma. A l’extrémité de l’aile, la cellule radiale est grise.
L’abdomen est noir avec de larges bandes jaunes.
Les fémurs sont noirs, les tibias et tarses jaunes rougeâtres.

 



Nourriture:
Les adultes prédatent de petits insectes et se nourrissent du pollen de certaines ombellifères comme celui de la Berce sphondyle ( Heracleum sphondylium) et  du Buddleia ( Buddleia davidii ). La femelle pond ses œufs sur une seule famille de plantes, les Scrofulaires, en particulier les espèces du genre Scrophularia et Verbascum ( Molènes ).

Les couleurs et le mimétisme avec les guêpes sont une réelle protection pour cette tenthrède. Les prédateurs comme les oiseaux, hésiteront  deux fois avant de les attaquer même si elle n’a pas de dard.
Ce mimétisme dit batésien du nom de son découvreur Henri Walter Bates permet à l’insecte d’économiser ses ressources. Il n’a pas besoin de produire les toxines et le dard de l’espèce copiée. Pourtant il reste protégé. A noter que l’espèce imitée, comme ici les guêpes, risque  au contraire d’être plus attaquée car les prédateurs ayant attaqué des tenthrèdes inoffensives ne se méfieront plus.

Larves
 : les larves sont assez longues (30 mm) avec 3 paires de vraies pattes et 8 paires de fausses pattes, elles ont donc 22 « pattes »! Elles ont un œil simple (ocelle ), rond et noir. Leurs corps est blanc ponctué de taches noires. C’est sous cette forme que cet insecte va hiberner. La larve s’enferme dans un cocon de soie souvent couvert de terre et de débris végétaux et entre en diapause d’hiver.  
De nouvelles méthodes d’identification ont été mises au point avec le décryptage de l’ADN. Les larves de tenthrède, une centaine d’espèces,  se ressemblent tant qu’il faut souvent attendre la mue pour les identifier. Avec l’ADN, les larves et œufs d’une espèce précise peuvent être identifiés avant que la larve ne devienne adulte, ce qui peut être très utile au diagnostic. (1)

Cycle biologique et activité: cet insecte produit une ou  plusieurs  générations par an. Les larves sont actives jusqu’en octobre.


Reproduction:
La majorité des Hyménoptères du sous -ordre des  Symphytes , auquel appartiennent les tenthrèdes produisent des phéromones. Ces phéromones sont des molécules volatiles constituées d’une chaine carbonée terminée par un groupe fonctionnel alcool. Il semble que ces substances  soit aussi un indice généalogique. Il est possible de trouver les espèces de Symphytes apparentées  en étudiant la proximité de la structure de leur phéromone spécifique.
Des simulations ont été faites avec succès avec ces phéromones ou avec des extraits de lavage des individus.
Ces phéromones permettent aux  mâles et femelles  de se trouver et de se reproduire.
Les taches visuelles de la tête et du corps sont aussi des marques de reconnaissance d’espèce et de genre pour de nombreuses espèces de Symphytes. Les études sont à leur tout début pour comprendre leur importance.
Une meilleure connaissance de ces moyens chimiques et physiques de rencontre permettrait de gérer ces espèces. Cela faciliterait leur usage pour de la gestion agronomique ou forestière en lutte biologique, sans usage de produits insecticides toxiques.

Après son accouplement, la femelle fore avec son oviscape, (long appendice pointu), un trou dans sa plante hôte. Elle pond un œuf par cellule et la larve qui en sortira se nourrira du végétal.


Habitat: cette Mouche à scie  est présente partout dans notre pays et dans toute l’Europe jusqu’au début de l’Asie. Elle affectionne les prairies qui abritent des Scrofulaires. On la trouve presque exclusivement en terrain humide.
 
Confusion : les espèces de tenthrèdes se ressemblent, les différences portent  sur l’insertion des antennes, leur composition, la nervation alaire, la convergence des yeux .

Prédateurs, parasites et pathogènes: la larve de cette tenthrède est parasitée par des hyménoptères de plus petite taille  de la famille des Ichneumons les genres Mesoleptidea et Euceros.

Statut de protection : espèce commune, non protégée par la loi.



Texte Martine Devondel et Roland Gissinger (ANAB)  et détermination des insectes, Martine,  photos Roland



 

Bibliographie :
Guide des Abeilles, Bourdons, Guêpes et Fourmis d’Europe , H. Bellmann
Hyménoptères d’Europe 3, Bourdons d’Europe et contrées voisines, Denis Michez

Hyménoptères d’Europe 1, Abeilles d’Europe, Denis Michez

Faune de France, Lucien Berland

Tenthredopsis sp - une autre tenthrède de la même famille

Tenthredopsis sp - une autre tenthrède de la même famille

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T
Quoiqu'il me dépasse, j'apprécie beaucoup cet article qui me remet véritablement dans le bain du quotidien! Les photos sont superbes.<br /> Merci à vous, Martine (et bonne année aussi!) et à Roland pour ce texte très instructif.
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B
Merci à vous pour cet article dense et très détaillé qui montre encore une fois la complexité du vivant.
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A
Merci Bernard d'avoir apprécié. Le vivant prend des chemins complexes mais très efficaces.<br /> Martine et Roland