Enquête mycologique, épisode 86, Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes

Publié le 29 Avril 2023

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.

 

Scène du crime

 

Nous sommes le 11 octobre 2022, à Zetting, en forêt acidiphile type charmaie-hêtraie

 Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Arme du crime

 

Le champignon pousse au sol, avec des débris agglomérés à la base du pied. Il s’agit vraisemblablement d’un champignon saprophyte

 

Profil du suspect

 

La morphologie du champignon est classique, pied et chapeau, avec des lames décurrentes par une dent. Ce qui saute immédiatement aux yeux est qu’il pousse en troupe, jamais seul. C’est une observation importante.

Passons maintenant à l’examen des voiles :

- pas de voile général sous forme de volve à la base du pied ou sous forme de flocons sur le chapeau

- un partiel sous forme d’anneau sur le pied, fragile et fugace. L’anneau est de couleur blanche.

 

Le chapeau est strié sur la marge et présente des squames, concentrés au centre.

 Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

La base du pied est plus ou moins en massue, avec des traces jaunâtres.

 Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

À ce stade, on peut soupçonner un membre du groupe des armillaires.

 

Un mot sur les armillaires

 

Les armillaires sont des champignons à lames, saprophytes, mais aussi parasite, à sporée blanche, poussant souvent en troupe. On connaît dans ce groupe l’armillaire couleur de miel (Armillaria mellea) qui provoque une pourriture des racines des arbres, entraînant la mort de ce dernier. L’armillaire a la particularité de former des cordons (rhizomorphes), semblables à des racines, ainsi que des coussinets mycéliens, qui se distinguent par leur forme et leur fonction.

Les rhizomorphes souterrains, en forme de lacets de chaussures, favorisent la dissémination du champignon ainsi que la circulation des éléments nutritifs et
de l’eau. Ils provoquent souvent l’infection des racines. Du point de vue écologique, l’armillaire est une espèce utile appartenant à la microflore, qu’il est normal de trouver en forêt. Il contribue à la décomposition du bois mort et joue un rôle majeur dans la régénération de l’écosystème naturel. Au point de vue économique, l’armillaire engendre la pourriture des racines et du tronc, ce qui amoindrit considérablement la qualité et la stabilité du peuplement.

Sporée :

 

Elle est blanche, ce qui confirme une armillaire

Sporée de l' Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Sporée de l' Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Examen par la police scientifique.

 

Les spores sont elliptiques et lisses.

Spores. Microscopie x1000 de l' Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes -  Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores. Microscopie x1000 de l' Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes - Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Les basides sont tetrasporiques, clavées et bouclées.

Basides. Microscopie x1000 de l' Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes -  Photos Gilles Weiskircher (Anab)
Basides. Microscopie x1000 de l' Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes -  Photos Gilles Weiskircher (Anab)

Basides. Microscopie x1000 de l' Armillaire à pied clavé. Armillaria cepistipes - Photos Gilles Weiskircher (Anab)

Avec cet anneau blanc sur les deux faces, la base du pied en massue plus ou moins jaune, on est en présence de l’armillaire à pied clavé, Armillaria cepistipes Velenovsky 1920

 

Statut selon l’INPN : LC (Préoccupation mineure) sur la liste rouge des champignons menacés.

 

Comestibilité : Non comestible. Pendant longtemps, une autre armillaire, l’armillaire couleur de miel (Armillaria mellea) a été considéré comme comestible. Avec l’évolution des connaissances mycologiques, ce n’est désormais plus le cas (comme également la gyromytre, non comestible désormais)

 

La conclusion de l’enquêteur

 

Ce champignon est assez fréquent dans nos fôrets en automne. Il pousse en général sur les débris ligneux.

 

Pour aller plus loin.

 

Champignons, ce qu’il faut savoir en mycologie. Guillaume Eyssartier, éditions Belin, 2018

 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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