Enquête mycologique, épisode 100, le Meunier, Clitopilus prunulus
Publié le 19 Août 2023
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 12 août, à Siltzheim, en forêt acidiphile, sous hêtres et hêtres. Effectivement, on est en plein cœur de l’été. À la faveur des pluies abondantes et des orages depuis fin juillet, c’est une diversité incroyable de champignons qui s’épanouissent actuellement en forêt. L’automne avant l’heure pour l’enquêteur et un magnifique cadeau pour le 100ᵉ épisode. Et pour ce premier épisode à 3 chiffres, c’est un excellent champignon comestible qui sera mis à l’honneur.
Arme du crime
Le champignon présente peu de débris à la base du pied. Il s’agit vraisemblablement d’un champignon mycorhizien.
Profil du suspect
La morphologie est classique, pied et chapeau. C’est un champignon avec des lames très décurrentes. Le chapeau est de couleur blanc de lait ou grisâtre. Trois observations sont ici indispensables :
- la coloration rose des lames (la coloration est d’abord blanche chez les sujets jeunes)
- une chair fragile. Si on pince le chapeau entre les doigts, la chair casse facilement.
- une puissante odeur de farine.
Pas de voile général sous forme de flocons sur le chapeau ou de volve à la base du pied. Pas de voile partiel. Pas d’ornements.
L’enquêteur, qui est habitué, reconnaît tout de suite le célèbre Meunier, Clitopilus prunulus (Fr.:Fr.) Singer.
Mais attention, il faut être habitué à son apparence et il est très facile à confondre avec les clitocybes blancs toxiques.
Meunier vs clitocybe
Rappelons-nous des 3 critères précédents chez le Meunier :
- la coloration rose des lames (la coloration est d’abord blanche chez les sujets jeunes) ; chez les clitocybes, les lames sont blanches. Entre le blanc et le rose clair, ce n’est pas toujours évident. Les lames des clitocybes sont aussi moins décurrentes.
- une chair fragile. Si on pince le chapeau entre les doigts, la chair casse facilement. La chair des clitocybes est très élastique.
- une puissante odeur de farine. Chez les clitocybes, cette odeur est moins prégnante.
Vous admettrez que les différences ne sont pas très explicites. Un moyen garanti de ne pas se tromper, réaliser une sporée.
Sporée
Elle est rose, caractéristique du meunier ; la sporée des clitocybes est blanche
.L’enquête scientifique
Les spores sont fusoïdes
Spores Microscopie x1000 du Meunier, Clitopilus prunulus (Fr.:Fr.) Singer – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
La trame lamellaire est de type filamenteuse. Cette vérification s’impose, car le meunier à un quasi sosie, Clitopilus amarus, considéré également comme bon comestible.
Trame lamellaire Microscopie x1000 du Meunier, Clitopilus prunulus (Fr.:Fr.) Singer – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Tous ces éléments permettent de statuer que notre suspect est bien le Clitopilus prunulus (Fr.:Fr.) Singer.
Statut selon l’INPN : Classé en Préoccupation Mineure (LC) sur la Liste rouge des champignons menacés d’Alsace
Comestibilité : bon comestible mais attention au risque de confusion avec un clitocybe blanc toxique.
La conclusion de l’enquêteur
Champignon assez commun, le Meunier annonce souvent la présence des cèpes. La plus grande prudence s’impose si on cherche à le consommer. L’identifier nécessite de l’habitude et même l’enquêteur est déjà tombé sur des spécimens litigieux.
Pour aller plus loin.
Champignons, ce qu’il faut savoir en mycologie. Guillaume Eyssartier, éditions Belin, 2018
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)