Enquête mycologique, épisode 91, Cortinaire sordescent (Cortinarius sordescentipes)

Publié le 3 Juin 2023

Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.

 

Scène du crime

 

Nous sommes le 6 octobre 2022, à Butten, en forêt acidiphile, sous hêtres et hêtres.

Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Arme du crime

 

Le champignon pousse au sol, avec peu de débris agglomérés à la base du pied. Il s’agit vraisemblablement d’un champignon mycorhizien

Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

 

Profil du suspect

 

Le champignon se présente sous forme de pied chapeau. C’est un champignon avec des lames échancrées.

- présence de voile de forme blanchâtre sur le pied et la marge du chapeau

- pas de voile partiel sous forme d’anneau.

Le chapeau est brun ochracé terne, avec une marge plus pâle et présentant un voile blanc grisâtre.

Pas d’ornements particuliers sous forme d’écailles, de ponctuations, etc.

L’observation importante à faire est la couleur des lames, rouille

 

À ce stade, avec cette couleur de lames, on peut suspecter un membre du gang des cortinaires. La sporée, de couleur brun rouille, le confirmera

Sporée du Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Sporée du Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

L’hypothèse d’un cortinaire se confirme. Avec cette couleur, il faut chercher dans la section des hinnulei. On utilisera la clé des hinnuloïdes de Bidaud de l’atlas des cortinaires

 

L’enquête scientifique

 

Souvent, avec les cortinaires, il faut utiliser des réactifs. Le KOH sur le chapeau et la base du pied sont violets.

Spores du Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Spores du Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores du Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Les spores sont en forme de haricots et bosselées.

Spores au microscopie x1000 du Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Spores au microscopie x1000 du Cortinaire sordescent Cortinarius sordescentipes Photo Gilles Weiskircher (Anab)

Avec tous ces éléments, on peut conclure qu’on est en présence du cortinaire sordescent, Cortinarius sordescentipes Bidaut et al.

 

Un mot sur les cortinaires

 

Les cortinaires, avec plus de 1000 espèces en Europe, peuvent être l’affaire d’une vie. Des enquêteurs spécialisés, les cortinariologues, les étudient. Avec leur couleur de lame rouille, on ne les confond généralement pas avec un autre genre, d’autant que beaucoup laissent sur le pied des filaments rouille appelés justement cortine. Pour les reconnaître, il faut disposer de plusieurs spécimens à différents stades, surtout pour observer sur les jeunes spécimens le voile général qui recouvre le pied et qui disparaît ensuite (ce voile peut être de couleur bleu par exemple). Les cortinaires sont des champignons mycorhiziens magnifiques mais qui ne se laissent pas aborder facilement. En priorité il faut observer si le chapeau et/ou le pied sont visqueux, s’il y a un bulbe à la base du pied, la couleur du voile sur un jeune spécimen et après commence une minutieuse étude par la police scientifique.

 

Statut selon l’INPN : pas d’informations

 

Comestibilité : sans intérêt ou indigeste

 

La conclusion de l’enquêteur

 

Un curieux terme que sordescent. C’est un terme en mycologie qui signifie d’aspect sordide. Est-ce l’allure peu avenante de ce champignon qui lui a valu ce surnom ?

 

Pour aller plus loin.

 

Champignons, ce qu’il faut savoir en mycologie. Guillaume Eyssartier, éditions Belin, 2018

 

Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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M
Merci Gilles pour ces articles fort intéressants et attendus chaque samedi avec intérêt.<br /> Ici un cortinaire, espèce combien difficile mais passionnante à étudier !
Répondre
G
Merci Martine.<br /> C'est un monde complexe les cortinaires