Le Gazé, la Piéride de l'Aubépine (Aporia crataegi)

Publié le 14 Mai 2023

Le Gazé, la Piéride de l'Aubépine, la Piéride gazée, la Piéride de l'Alisier, la Piéride de l'Aubergine (Aporia crataegi)

Le Gazé, la Piéride de l'Aubépine, la Piéride gazée, la Piéride de l'Alisier, la Piéride de l'Aubergine (Aporia crataegi)

Voici un papillon peu commun et spectaculaire dans le sens où il n’est pas très coloré. Il est fin et pur comme de la gaze d’où son nom commun, le Gazé, appellation la plus utilisée.

Roland

Nom scientifique : Aporia crataegi (Linnaeus, 1758)

Origine du nom : du grec aporia , « a » sans et « poros » ressources, signifie donc « privé de ressources », en référence à la quasi transparence de ce papillon presque sans écaille et sans couleur.
L’adjectif « crataegi », crataegus , désigne en latin « l’aubépine » et donc l’appétence de ses chenilles pour cet arbuste.
Voir aussi l’article, très intéressant, sur la zoonymie de ce nom par Jean-Yves Cordier.

Nom allemand : Baum-Weißling

Nom anglais : black-veined white

Observation : 22 mai à Mackwiller (67)

Classification : fait partie de la famille des Piéridae, famille qui comprend 1200 espèces différentes de par le monde.
Points communs : papillons clairs, blancs, jaunes ou orangés avec des taches ou marbrures, en particulier sur les ailes antérieures du mâle.
Le contour des ailes est régulier, sans feston aux extrémités comme dans d’autres familles. Les antennes sont terminées en massues minces et allongées. Chez les piérides, le mâle se distincte souvent de la femelle. Le dimorphisme sexuel est d’ordinaire assez fortement marqué au niveau des couleurs des ailes. En plus des variations saisonnières, il arrive que les femelles prennent les couleurs des mâles et inversement. C’est le phénomène de gynandromorphie.
Le vol est ramé et soutenu. De nombreuses espèces sont migratrices sauf le Souci, qui hiberne chez nous.
Les chenilles des piérides sont en majorité phyllophages (mangeuses de feuilles).

Dimensions du Gazé : taille élevée : envergure entre 55 et 68 mm ; LA : longueur de l’ aile antérieure de la base à l’apex : 28-35 mm .

Période d’observation : avril à août avec un pic en juillet.

Description : dessous et dessus des ailes semblables, faces des ailes blanches veinées de noir profond sans taches noires et sans coloration jaunâtre comme les autres piérides. Elles deviennent translucides et prennent un aspect gras avec la perte d’écailles. C’est en particulier la femelle qui les perd en frottant ses ailes. Les nervures de la femelle sont brun-sombre.
Les antennes sont longues et terminées par des extrémités en massettes.

Biologie et activité :
Le papillon vole autour des plantes sur lesquelles il va déposer ses œufs. Le mâle émet une phéromone sexuelle pour attirer les femelles. Elle n’est pas perceptible par un humain puisque le composant principal est le (Z)-13-Hexadecen-11-yn-1-ol acetate. Je ne plaisante pas.
Il s’agit du nom de la molécule secrétée par ce papillon et décrite par des chercheurs. Vous pouvez admirer sa formule chimique et sa géométrie spatiale animée en trois dimensions sur un site consacré aux phéromones des papillons.
La taille des ailes du Gazé varie en fonction de paramètres physiques comme la température, l’abondance des pluies, la disponibilité en nourriture et la concentration locale d’individus de la même espèce.
L’importance des différents facteurs n’est pas confirmée sur tous les aspects ; l’augmentation de la température, l’abondance des pluies en mai et la forte concentration en individus favorisent, d’après les chercheurs, la croissance des ailes.

Habitat : milieux ouverts, prairies humides arborées ou colonisées par des Rosacées arbustives, lisières, du niveau de la mer à 2000 m d’altitude.
Il est présent dans toute l’Europe, en Asie et au Japon. Absent des îles britanniques d’où il a disparu et du nord de la Scandinavie.

Prédation par une thomise d'un Gazé, la Piéride de l'Aubépine, la Piéride gazée, la Piéride de l'Alisier, la Piéride de l'Aubergine (Aporia crataegi)

Reproduction : après son accouplement, la femelle pond ses œufs d’un jaune vif sur les Rosacées arbustives de nos haies, l’aubépine surtout, des fruitiers aussi, prunelier, prunier, pommier, poirier ou amandier, sur les sorbiers également ( Sorbus aucuparia , le sorbier des oiseleurs ).

Elle pond ses œufs par groupes ou clusters de 30 à 100 à la surface des feuilles des plantes hôtes.
Les œufs vont éclore en 20 jours et devenir au fur et à mesure des chenilles voraces.
Une larve des stades 4 ou 5 mangent 30 à 90 fois plus que les larves du stade 3.
Imaginez un bébé ( petit homme ) de 4 kg qui boit 600 ml de lait par jour passe à 12 mois à un repas de 54 kg par jour…
Bien qu’elle soit couverte de poils, cette chenille n’est pas du tout urticante et ne présente aucun danger pour l’homme ou pour les animaux domestiques. Elles sont parfois confondues avec les chenilles processionnaires. Elles n’ont pourtant pas grand-chose à voir avec ces dernières et sont totalement inoffensives, dépourvues de poils urticants.
On reconnaît les chenilles de cette espèce à leur dessous gris clair et à leur dessus noir et orangé.
Elles se nourrissent alors en groupe, font deux repas, l’un vers 6-7 heures du matin et le suivant vers 18-19 h.

Croissance des chenilles :
Les chenilles restent en communauté (jusqu’à 50 individus ) dans un nid tissé de fils de soie et de feuilles avant l‘hiver Elles y resteront pendant tout l’hiver pour ensuite se disperser et se nourrir individuellement au printemps. La survie des chenilles de Gazé est très variable et aléatoire. Il s’ensuit de grandes variations de populations de ce papillon d’une année à l’autre.
Des études très précises ont été menées sur ce papillon en Chine pour diminuer ses dégâts sur leurs pommiers.
La durée du stade larvaire est de 308 jours (283 à 332 jours).
C’est facile au vu de ces chiffres de comprendre que le Gazé produit une seule génération par an. Il est dit « monovoltin » au contraire de nombreux papillons bivoltins ou polyvoltins.
La reprise de l’activité des chenilles a lieu dès que la température atteint 4 degrés à fin mars.

Hivernage des chenilles :
Pour se développer correctement le Gazé comme les autres papillons a besoin d’eau. Il a déjà été observé que les pertes en eau des papillons hivernants était très très faibles. Ils possèdent donc un mécanisme qui empêche leur déshydratation.
Dans les milieux secs, il doit développer sa capacité à perdre de l’eau corporelle ou au contraire limiter ses pertes en diminuant la perméabilité de ses tissus à l’évaporation de l’eau.

Pour vous donner une idée de l’adaptation de ce papillon aux conditions de sécheresse, je vous résume une étude menée en milieu hyper sec comme la Yakoutie en Russie. Pendant cette étude, l’hiver, les chenilles étaient exposées à des températures de - 47°C à - 55°C et en mai à une sécheresse de 30% sachant que le corps de la chenille contient 70% d’eau.
Les tissus de la chenille du Gazé ont une imperméabilité à l’eau aussi performante que ceux du Scarabée du Sahara. Elle est donc exceptionnelle. Ce mécanisme leur permet de survivre non seulement à la sécheresse mais aussi au gel. Le nid, un cocon de fils de soie et de feuilles collées qui entourent les chenilles, les protège également de la déshydratation.

La période nymphale dure de 12 à 20 jours dans une chrysalide jaune crème pointillée de taches noires.

A l’émergence, les gazés expulsent une déjection rouge sang, le méconium, qui macule les feuilles de l’arbre hôte. L’aspect sanguinolant de ces déjections est à l’origine de légendes entourant ce papillon et de craintes de mauvais présage.

Le caractère social de ce papillon est marqué puisque les gazés adultes se retrouvent quelquefois en grands groupes, en particulier sur des suintements d’eau et d’excréments où ils peuvent pomper de l’eau, de l’azote et des sels minéraux.

Confusion : aspect bien typé mais la confusion est possible avec un papillon de nuit visible le jour, la Phalène blanche, Siona lineata ; ses ailes immaculées le distinguent aussi du Semi - Apollon ( Parnassius mnemosyne ).

Nourriture des adultes : le nectar des fleurs de diverses rosacées et astéracées comme les chardons, celui des orchidées également comme j’ai pu le constater moi-même et d’autres plantes. La visite d’une orchidée, Orchis pourpre ne lui pas porté chance puisqu’il s’est fait capturer par une araignée de type Thomise à l’affût. (voir photo).

Prédateurs: oiseaux, chauve- souris mais les ennemis les plus redoutables du Gazé sont les mouches et guêpes parasitoïdes, qui pondent sur ou dans les chenilles ( Diptères, Hyménoptères : Ichneumons, Braconides ).

Protection : Sa disparition est très inquiétante dans le Nord, Nord-Est et Bassin-Parisien. Il se raréfie partout. Cette disparition est liée l’arrachage des haies d’aubépine, une de ses principales plantes-hôtes et l’usage massif de pesticides.
Il est protégé en région Ile-de-France bien que classé disparu. Son statut est classé Critique en Bretagne, quasi Menacé- NT en Alsace, Normandie et Aquitaine, Critique en Picardie, Disparu du Nord-Pas-de-Calais.

Le Gazé est devenu rare ailleurs. Il était considéré comme ravageur agricole dans des pays européens comme la Tchéquie ou peste animale pour les vergers chinois, voici encore une vingtaine d’années. Des études avaient été lancées pour limiter son expansion. Les changements sont rapides pour les insectes en ce moment entre les pratiques agricoles intensives et toxiques et le changement climatique.

Texte, bibliographie Martine Devondel et Roland Gissinger (Anab)
Photos Roland

Articles de référence et bibliographie :

Guide complet des papillons de jour de Lorraine et d’ Alsace – JY Nogret /S Vitzthum, édition Serpenoise.
Papillons de France, Tristan Lafranchis, Collection Parthenope.

Etudes sur Aporia crataegi à Shansi 1965-
Disribution de Aporia crataegi en Tchéquie (2000)
Some Features of Water Saving in Aporia crataegi L. Caterpillars Inhabiting Areas of Dry Climate in Eastern Siberia (Yakutia, Russia) 2014
Changes in the body size of black-veined white, Aporia crataegi (Lepidoptera: Pieridae) 2021
Site consacré aux phéromones des papillons. .

Le papillon de nuit visible le jour, la Phalène blanche, Siona lineata